Discriminations: des salariés sensibilisés avec une "fresque de la diversité"

Age, sexe, origines ou encore handicap: les motifs de discrimination en entreprise sont nombreux. Pour prendre conscience des biais cognitifs qui peuvent y conduire, souvent involontairement, des salariés s'adonnent à un atelier collaboratif avec une "fresque de la diversité".

En cette journée de début juin, ils sont huit autour d'une grande table au 35e étage du siège de Saint Gobain à La Défense pour tester cette fresque, inspirée de celle désormais très populaire sur le climat.

Pendant une demi-journée, ils alterneront entre des exercices pratiques et la composition de leur fresque à l'aide d'une quarantaine de cartes illustrées ("stéréotype", "nom", "égalité"...), qu'ils devront organiser de façon logique.

"Cette fresque favorise la prise de conscience des processus et des biais cognitifs qui nous conduisent parfois à des discriminations", leur explique Tiphaine Voisin, co-animatrice, elle même salariée de Saint Gobain, où quelque 400 personnes ont déjà testé la fresque.

"Le but c'est de mettre des petites graines auprès de tout le monde pour sensibiliser sur ces sujets", renchérit l'autre animatrice, Nathalie Duron, également formée à cette fresque créée par l'Essec avec Belugames.

Les participants - 7 femmes et un homme - viennent de différents services (juridique, audit, direction industrielle...), âges et rangs hiérarchiques du groupe de matériaux de construction (environ 40.000 personnes en France).

Pour le premier exercice, tous sont invités, debout, à se positionner sur une "ligne imaginaire" de 0 à 100% en répondant à des questions. Il s'agit par exemple de savoir, lorsque le recruteur est un homme et que le CV est nominatif, les chances d'une femme d'être reçue en entretien, sachant que pour un homme, le taux est de 20%. Les participants se rangent entre 20% et 50%.

"La réponse, c'est 3,7%", leur annonce l'animatrice, soit "une chance sur 27". "Lorsque le CV est anonyme, l'écart s'inverse", ajoute-t-elle avec cette fois une chance sur six pour les femmes d'être convoquées et une sur 13 pour les hommes.

Dans l'assistance à grande majorité féminine, ces chiffres interpellent. "Quand le CV est anonyme, pourquoi ce n'est pas la même chose?" demande notamment une salariée. "Parce que là, ça va être sur les compétences...", répond Nathalie Duron.

- "J'ai laissé faire" -

Un premier lot de cartes est distribué. La carte "quotas" soulève de nouveaux débats, entre ceux qui trouvent que "ce n'est pas normal" et ceux pour qui "ça permet d'accélérer" vers l'égalité.

Vient ensuite un autre exercice où les animatrices invitent les participants à fermer les yeux et leur collent une gommette de couleur sur le front. Ils doivent en silence se "mettre par équipes" en une minute.

D'instinct, ils se rangent: les cinq verts d'un côté, deux jaunes de l'autre. La rouge est repoussée à l'écart.

"Comment vous sentez vous?", demande l'animatrice. "Très mal", répond Guillaume (les participants n'ont pas communiqué leurs noms de famille), car faute de consignes, "instinctivement, on s'est classés par couleur".

"J'ai vu des verts, je me suis dit, je dois être dans ce groupe", et après avoir été poussée "je me suis dit oh pardon", dit dans un rire Isabelle, 52 ans, la seule rouge.

"J'ai laissé faire, alors que ça m'allait pas du tout", constate Alice.

Ils en retiennent qu'il faut "faire attention au poids du groupe" et à la tentation d'aller "vers ceux qui nous ressemblent".

Nathalie les rassure: "dans 90 voire 95% des fresques, tout le monde se classe par couleurs". Ce qui compte avec cet exercice dont "les traits sont forcés" c'est de voir "comment on travaille pour changer ce réflexe".

Au terme de l'atelier et de quelques hésitations sur la place des cartes, la fresque est bouclée. Les formatrices montrent celle de référence, pas si éloignée de leur résultat.

"Ca permet de prendre conscience de tous les biais qu'on peut avoir même quand on est plein de bonnes intentions", note Alice, pour qui la fresque n'était "pas si évidente" par rapport à celle sur le climat.

Plusieurs estiment que la formation devrait être obligatoire, a minima pour les managers. C'est le cas d'Isabelle qui juge cela nécessaire pour une "prise de conscience collective".

chl/cel/rhl

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