Dialogue social: la loi climat a "modifié la mission même du CSE"

Promulguée le 22 août, la loi Climat a élargi aux questions environnementales les compétences du CSE (comité social et économique). Mathilde Despax, cofondatrice du cabinet de conseil Gate 17, décrypte la manière dont les représentants syndicaux peuvent s'emparer de cette innovation législative dans les entreprises.

QUESTION: En quoi la loi Climat modifie-t-elle les prérogatives du CSE ?

REPONSE: La loi Climat a modifié l'article L2312-8 du Code du travail qui définit les missions du CSE, en précisant qu'il peut s'intéresser aux "conséquences environnementales" de l'activité des entreprises.

C'est une disposition qui découle d'une proposition de la Convention citoyenne pour le climat (CCC), mise en place après les manifestations des "gilets jaunes".

La CCC demandait une quatrième consultation des CSE sur la question environnementale. Aujourd'hui, il y a trois consultations annuelles, sur la situation économique et financière des entreprises, sur leur politique sociale et sur leur orientation stratégique. Le gouvernement n'a pas retenu l'idée d'une quatrième consultation, mais a proposé qu'au sein des trois consultations actuelles il y ait un regard sur l'impact environnemental.

Autre changement, la base de données économiques et sociales (BDES) devient la "base de données économiques, sociales et environnementales" (BDESE) et doit mettre à disposition des informations sur le sujet.

Enfin, la négociation de la Gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC) doit prendre en compte les impacts de la transition écologique sur les différents métiers de l'entreprise.

Q: Quelles actions concrètes peuvent engager les élus ?

R: Les élus vont discuter avec l'employeur sur l'impact social de la transition écologique en termes d'emploi et de mutation des métiers, ainsi que sur le niveau des émissions de gaz à effet de serre, la gestion des déchets, le recyclage, la mobilité des travailleurs.

Assistés de leurs experts, ils vont devoir analyser des documents dont ils n'avaient pas l'habitude jusqu'à présent: le bilan carbone de l'entreprise, la déclaration de performance extra-financière, par exemple.

Aujourd'hui, le bilan carbone est obligatoire pour toutes les sociétés privées de plus de 500 salariés, et pour les entités publiques de plus de 250, mais cela est très peu respecté, car la sanction est faible: 10.000 euros d'amende. Elle pourrait être alourdie à l'occasion d'un prochain projet de loi.

Un décret oblige aussi les entreprises à faire un audit énergétique. Le fait de ne pas le faire peut leur coûter 2% du chiffre d'affaires, c'est énorme.

Concernant la mobilité des travailleurs, la loi LOM fait déjà de cette question un enjeu du dialogue social, en obligeant à négocier un accord sur les trajets domicile-travail. Mais désormais on va aussi pouvoir proposer à l'employeur de réduire les déplacements professionnels.

Les élus peuvent aussi analyser la stratégie de communication des entreprises, et la pertinence des informations qu'elles délivrent au public au regard de la réglementation sur le greenwashing. Aujourd'hui certaines entreprises communiquent sur des engagements qui sont intenables.

Q: Comment les CSE peuvent-ils en pratique s'emparer de ces questions ?

R: La première chose, dans les entreprises d'une certaine taille, ça peut être de négocier la création d'une commission environnement, composée de salariés élus ou non.

Cela permet d'avoir des moyens (budget, heures de délégation), d'impliquer les salariés, d'avoir des interlocuteurs identifiés sur ces sujets pour la direction comme pour les salariés.

Ceux qui ne peuvent pas avoir de commission environnement peuvent intégrer aux ordres du jour des réunions ces questions. Dans un premier temps il faudra informer de l'impact de la loi climat sur le dialogue social, dans un deuxième discuter avec l'employeur de ce qu'on met dans la base de données (BDESE).

Au cours de l'examen de la loi, les organisations syndicales représentatives ont été auditionnées, aucune n'a dit qu'elle ne voulait pas s'occuper de la question environnementale. Plusieurs ont commencé à s'emparer de ces thématiques, la CFDT avec le Pacte du pouvoir de vivre, la CGT avec le collectif Plus jamais ça!, la CFE-CGC qui a adhéré au Global Compact, une entité de l'ONU qui accompagne les organisations sur le développement durable.

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