Des universitaires réunis à Toulouse pour une science engagée en faveur du climat

Dans une période de vents contraires à l'écologie, quelque 400 microbiologistes, physiciens, océanographes ou encore sociologues, économistes, enseignants en philosophie sont réunis à Toulouse depuis mardi pour défendre une science plus engagée face à l'urgence climatique.

Ils sont issus d'un réseau d'"Ateliers d'écologie politique" qui a essaimé dans tout le système universitaire français, après avoir pris naissance dans la Ville Rose il y a huit ans.

A l'époque, une poignée d'enseignants-chercheurs locaux avait écrit un manifeste lancé "comme une bouteille à la mer", se souvient Laure Teulières, maître de conférences en histoire à l'université Jean-Jaurès et l'une des initiatrices, avec pour objectif de "construire une communauté pluridisciplinaire de scientifiques travaillant sur de multiples aspects liés au bouleversement écologique".

Jusqu'à jeudi, dans la canicule qui frappe le sud-ouest comme le reste de l'hexagone, ils sont réunis pour chercher comment "réparer le futur", thème de ces premières rencontres nationales, alors que le présent est déjà marqué par l'avènement d'un Donald Trump climatosceptique revendiqué, ou des signes de remise en question de dispositifs environnementaux au niveau national (fin des ZFE, retour envisagé de pesticides, etc.).

"On est venu chercher de la force et du lien", résume Irénée Frérot, chercheur en physique quantique à la Sorbonne, avant d'ajouter, conscient de l'impératif de serrer les rangs dans la difficulté: "on se compte aussi".

- "Trajectoires insoutenables" -

"Notre spécificité, c'est qu'on essaie de travailler à la fois sur l'alerte (climatique) mais surtout la compréhension des verrous et des leviers éventuels, c'est-à-dire ce qui dans cette société nous maintient dans des trajectoires insoutenables", explique Mme Teulières.

La démarche implique une forte interdisciplinarité entre sciences dites dures et sciences sociales, pour faire évoluer de l'intérieur une recherche universitaire vécue comme trop cloisonnée.

"Regarder la crise de la biodiversité à travers seulement ma discipline (...), cela n'allait pas être du tout suffisant", souligne à cet égard Stéphanie Mariette, généticienne bordelaise spécialiste de la reproduction des arbres, pour laquelle il fallait "sortir de nos labos".

Créer ou rejoindre des Atécopol à Marseille, Dijon, ou Montpellier correspond aussi à une quête de sens, notamment chez les plus jeunes.

"J'ai eu un moment de grande dissonance, en voyant que ce que je faisais n'avait aucun lien avec ce que je pense important pour la société", explique ainsi Alex Ayet, chercheur à Grenoble, qui a choisi de délaisser ses recherches en météorologie, trop tournées à ses yeux vers la seule production d'articles scientifiques sans portée réelle.

Comme d'autres, il revendique une science engagée et connectée à la société civile - à travers des formations, des recherches participatives avec les populations, des débats publics ou des interpellations médiatiques - sans pour autant renier l'objectivité scientifique.

"Il ne s'agit pas d'abandonner une déontologie, un idéal de rigueur", explique ainsi Odin Marc, chercheur au CNRS dans un laboratoire toulousain de sciences de la terre, mais ce savoir doit aussi servir à irriguer le débat public.

Nombreux sont d'ailleurs les membres des Atecopol à prendre part à d'autres collectifs engagés, comme "Scientifiques en rébellion", qui a publié mercredi une tribune contre l'autoroute A69 Castres-Toulouse, contre laquelle doivent manifester plusieurs milliers de personnes en fin de semaine.

Sur la base de ce premier rendez-vous national, les universitaires espèrent en tout cas fortifier leur réseau, regrettant de n'être encore qu'une "niche" dans un enseignement supérieur où "ça ne bouge pas assez vite, pas assez fort", résume Florian Massip, bio-statisticien à l'Institut Curie à Paris.