Des représentants des industries énergétiques présents en masse dans les négociations climat

Chaque année, les conférences internationales pour le climat réunissent des milliers de participants pour tenter de lutter contre le réchauffement climatique. Parmi eux se glissent en grand nombre des représentants des industries énergétiques parmi les plus polluantes au monde.

Les COP, organisées sous l'égide de l'ONU, réunissent représentants des États signataires, ONG, scientifiques, responsables politiques, industriels, pour discuter des mesures à prendre pour lutter contre le changement climatique et ses menaces.

Des représentants des compagnies pétrolières et gazières ou d'associations professionnelles ont la possibilité d'y assister, tout comme aux sessions de négociations intermédiaires, en tant qu'observateurs.

Contrairement à d'autres processus onusiens, comme la convention-cadre de l'OMS pour la lutte anti-tabac (FCTC), la Convention climat de l'ONU (CCNUCC) n'a prévu aucune régulation visant à se protéger des conflits d'intérêts. La baisse des émissions de gaz à effet de serre va pourtant à l'encontre des intérêts d'industries spécialisées dans l'exploitation des énergies fossiles.

Mais la situation pourrait changer. Le sujet est l'ordre du jour mercredi à Bonn, en Allemagne, lors d'une session préparatoire à la COP25 au Chili en décembre.

Selon des données compilées par le Centre de recherche sur le climat (CIC), une association américaine, et consultées par l'AFP, des associations représentant les géants de l'énergie ont envoyé des délégations parfois plus importantes que celles de pays depuis 1995.

L'Association mondiale du commerce des émissions (IETA), qui compte parmi ses membres BP, Chevron, Shell, Engie, Total ou Iberdrola, a envoyé 1.817 délégués aux COP et aux négociations intermédiaires depuis 2000. "Nous avons des intérêts en commun avec beaucoup de participants pour parvenir à zéro émission nette d'une manière qui préserve la croissance économique et l'emploi", a indiqué son PDG, Dirk Forrister, à l'AFP.

Le World Business Council for Sustainable Development (WBCSD), qui regroupe plus de 200 entreprises dont BP, ExxonMobil ou Shell, a eu 1.266 représentants. "Nous pensons que les défis actuels nécessitent des idées innovantes qui peuvent venir de partout", selon un porte-parole. "C'est pourquoi il est très important pour le secteur privé d'être impliqué dans le processus de la CCNUCC", poursuit-il.

- Conflit d'intérêt? -

L'Association environnementale de l'industrie pétrolière (IPIECA) a envoyé pour sa part 258 salariés sur la même période.

Des entreprises représentées par l'IETA et l'IPIECA étaient auparavant regroupées au sein du Global Climate Coalition (GCC), un groupe de pression américain disparu en 2002, qui s'efforçait de minimiser l'impact du réchauffement climatique.

Des documents internes de ce groupe de pression, dévoilé par le Centre de recherche sur le climat, montrent comment ses membres se sont servis des négociations onusiennes pour pousser leurs idées. "Le GCC se servait de ses accès pour suivre les progrès des négociations, exercer des pressions sur différentes délégations nationales et utiliser les États-Unis et d'autres délégations quand elles leur étaient favorables", accuse Kert Davies, du CIC.

Pour autant, les représentants du charbon, du pétrole et du gaz ont toujours leurs entrées.

Ces associations "fondées par les industries des énergies fossiles sont toujours libres d'arpenter les couloirs et d'influencer les gouvernements dans les discussions", déplore M. Davies.

"Nous ne prenons pas de décisions à Bonn, il n'y a donc pas de conflit" d'intérêt, répond Dirk Forrister.

Pour Nnimmo Bassey, directeur de la fondation HOMEF, qui plaide pour une plus grande transparence dans les négociations climatiques, la présence de ces industries empêche de parler "de l'urgence de garder les énergies fossiles sous terre".

L'Accord de Paris de 2015 prévoit de limiter l'élévation de la température moyenne de la planète bien en dessous de 2°C par rapport aux niveaux préindustriels, voire à 1,5°C. Pour cantonner le réchauffement à 1,5°C, les experts climat de l'ONU (Giec) estiment qu'il faudrait réduire les émissions mondiales de CO2 de près de 50% d'ici à 2030 par rapport à 2010 et baisser drastiquement la consommation mondiale de charbon, de gaz et de pétrole.

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