"On est obligé de mettre des glaçons dans la pâte à pain": les boulangeries comme d'autres commerces générateurs de chaleur sont particulièrement vulnérables à la canicule, poussant les professionnels à s'adapter.
A 08H00 samedi matin, les clients s'alignent déjà devant la façade jaune de "La Flûte de Meaux", dans le 19e arrondissement de la capitale. A l'heure du petit-déjeuner, les vendeurs écoulent baguettes et viennoiseries toutes fraîches dans la bonne humeur.
En arrière-boutique, si les sourires sont toujours présents, les boulangers et pâtissiers s'activent dans la chaleur infernale des fours à pains.
"On transpire beaucoup mais on boit beaucoup", relativise le patron, Frédéric Letellier. "Quand il fait chaud dehors, c'est plus dur mais on a l'habitude et on laisse les salariés organiser leur travail pour que ce soit moins pénible pour eux", poursuit le boulanger avec entrain malgré les plus de 30°C ambiants.
- "Produit vivant" -
"Le plus compliqué finalement, c'est le beurre!", qui fond beaucoup plus vite. "Tous les ustensiles sont chauds: les rouleaux du laminoir (ndlr: machine à travailler la pâte), les tables et donc il faut sortir le beurre, l'utiliser et vite le remettre au frigo pour le ressortir plus tard. On travaille en plusieurs fois", explique le boulanger.
Autre difficulté: la pâte à pain qui doit atteindre une température autour de 23°C-24°C.
"On travaille un produit vivant. On ne peut pas arrêter le pétrin avec une pâte à 32 degrés. Alors on est obligé de mettre des glaçons dans la pâte à pain", continue le boulanger artisanal depuis 41 ans.
Le secteur de la boulangerie-pâtisserie représente environ 200.000 emplois en France.
Comme chaque année à la même époque, Frédéric Letellier se prépare aussi à stopper les desserts à base de chantilly, impossible à faire monter avec la chaleur.
De l'autre côté du périphérique, à Pantin (Seine-Saint-Denis), Julien Cantenot, propriétaire d'Atelier P1, est lui aussi sur le pont. Toutes les tables de l'espace restauration et de la terrasse sont occupées.
A l'intérieur, le thermomètre indique 27°C, la chaleur est encore supportable même si le fournil est volontairement ouvert sur l'espace de vente et de dégustation.
Dans cette boulangerie spécialisée dans les pains bio au levain, "les architectes ont mis en place un gros système de ventilation pour évacuer la chaleur et tirer tout l'air possible de la cour", explique le boulanger qui a fait éteindre les fours à pains au plus vite pour éviter toute source de chaleur supplémentaire.
Les vendeurs eux profitent de ventilateurs et proposent depuis quelques jours des citronnades maison et thés glacés.
- "Beaucoup de retard" -
D'autres professions en intérieur doivent s'adapter en cas de forte chaleur, les pressings par exemple.
"On essaie d'utiliser les séchoirs la nuit", soupire Stéphane Singa, gérant de deux pressings à Boulogne (Hauts-de-Seine) et dans le 16e arrondissement.
La chaleur, lui et ses employés en ont l'habitude, ils travaillent avec de la vapeur à très haute température été comme hiver, notamment avec les fers à repasser.
"Mais avec la canicule, c'est permanent et très pénible. On a beaucoup de retard et on doit expliquer aux clients qu'on ne peut pas travailler aussi vite dans ces conditions", reconnaît le patron d'"Atelier pressing".
La solution: des ventilateurs et la porte ouverte en continu. "Et puis on investit dans des bouteilles d'eau et des glaces parfumées", rigole Stéphane Singa.