Des "gilets jaunes" moins nombreux ciblent les autoroutes et les dépôts de carburant

Une dizaine de milliers de "gilets jaunes" poursuivait lundi les opérations de blocage pour la troisième journée consécutive, ciblant principalement des autoroutes mais aussi des dépôts pétroliers, tandis que le gouvernement affichait son inflexibilité sur sa politique économique.

Quelque 13.000 personnes étaient rassemblées lundi matin sur 358 sites, selon la police; ils étaient samedi 290.000 sur plus de 2.000 sites recensés. Au cours du week-end, endeuillé par la mort d'une femme "gilet jaune" percutée par une automobiliste, 183 personnes ont été placées en garde à vue, 511 ont été blessées dont 17 grièvement.

Outre les péages, stations-service et autoroutes, les "gilets jaunes" ont ciblé lundi plusieurs dépôts pétroliers, notamment à Port-la-Nouvelle (Aude), Fos-sur-Mer (Bouches-du-Rhône), Frontignan (Hérault), Portes-lès-Valence (Drôme) et Valenciennes (Nord), dont les sites étaient sur le point d'être débloqués, selon la police.

Le groupe Total a confirmé que la présence de manifestants avait provoqué "des difficultés d'accès et, dans de nombreux cas, l'impossibilité pour les camions de transport d'accéder aux zones de chargement", notamment dans le sud et l'ouest.

Plusieurs organisations patronales ont mis en garde les "gilets jaunes" contre "un blocage de l'économie", estimant que "l'exaspération" des manifestants ne devait pas conduire à "pénaliser" les entreprises.

Droite et gauche ont critiqué de leur côté un exécutif inflexible après les propos du Premier ministre Edouard Philippe la veille assurant qu'il tiendrait "le cap", tout en affirmant avoir entendu la "colère" et la "souffrance" des manifestants.

"Nous aussi on tient le cap et ça va durer!", promettait Kevin Dujardin, sur un barrage à Calais. "Je gagne 500 euros, comment voulez-vous que je vive avec ça ? Avec ce que je gagne, je ne peux me permettre qu'un repas par jour", abondait Jean-Luc, ouvrier de 57 ans.

"Je fais 90 km tous les jours et ma femme ne travaille pas. On vit avec mon seul salaire. On dépense 150 euros d'essence par mois, ça devient insoutenable", confiait Fabien, près d'un dépôt à Fos-sur-mer.

A l'initiative de ce mouvement protéiforme et sans leader identifié, des membres de la société civile qui ont appelé sur les réseaux sociaux à des actions contre la hausse du prix des carburants.

Les motifs de griefs se sont ensuite élargis à une dénonciation plus globale de la politique du gouvernement en matière de taxation et de la baisse du pouvoir d'achat.

Deux appels à manifester "à pied, à cheval ou en voiture" pour "bloquer" Paris samedi prochain étaient par ailleurs largement relayés sur Facebook.

- Ambiance tendue -

Les forces de l'ordre s'employaient à disperser barrages filtrants et opérations escargots qui persistaient dans la plupart des régions.

A Bordeaux, le pont d'Aquitaine, bloqué depuis ce week-end, a été évacué, tout comme le péage de Virsac sur l'A10 ou le port de Boulogne-sur-Mer.

Ailleurs, des axes étaient toujours perturbés, notamment en Seine-Maritime et dans la Sarthe, avec une opération escargot de tracteurs entre Le Mans et Orléans.

Des barrages filtrants perturbaient la circulation, notamment sur les bretelles de sortie des autoroutes, vers Bourges, Vierzon, Romorantin, Laval ou Gaillac (Tarn) ou aux péages où de longues files d'attente de poids lourds se sont formées comme vers Monnaie, au nord de Tours.

Sur l'île de La Réunion, l'ambiance était particulièrement tendue avec 31 barrages, après une nuit marquée par des violences urbaines. Six membres des forces de l'ordre ont été légèrement blessés et 19 personnes interpellées, selon la préfecture, qui a demandé des renforts à Paris.

Le secrétaire d'Etat auprès du ministre de l'Intérieur Laurent Nuñez a rappelé que les forces de l'ordre devaient "intervenir à chaque fois que des axes structurants sont bloqués ou qu'il y a des violences".

A Calais, un automobiliste anglais et un chauffeur routier australien ont été placés en garde à vue après avoir touché des manifestants en forçant des barrages.

A Saint-Dizier (Haute-Marne), un camionneur a été interpellé après avoir blessé un "gilet jaune", transporté à l'hôpital. A Livron-sur-Drôme (Drôme), un automobiliste a été interpellé après avoir tiré en l'air avec une arme à feu et percuté un manifestant, transporté à l'hôpital, selon la gendarmerie. Son véhicule a ensuite été incendié.

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