Des "gilets jaunes" à la recherche d'une issue politique

Au sein d'un mouvement très hétérogène et qui se radicalise par endroits,certains "gilets jaunes", pourtant défiants à l'égard de la politique, sont en quête d'un débouché électoral qui pourrait se concrétiser aux Européennes.

"A un moment donné il faut réfléchir. Lorsque nous bloquons un rond-point nous faisons de la politique", assure sur le compte Facebook "Gilets Jaunes, le mouvement" (GJM) , Hayk Shahinyan, de la région lyonnaise.

Pourtant, comme le rappelle le président (ex LR) des Hauts-de-France Xavier Bertrand, "s'il y a bien une chose que (les "gilets jaunes") ne supportent pas, c'est les politiques", soit les partis, les élus et les gouvernants.

"Le mot politique reste négatif dans l'esprit des gens", admet M. Shahinyan. "Mais il faut que la politique on se l'approprie intelligemment et que justement on évite toutes les erreurs des partis".

Ce Français d'origine arménienne a milité une année, il y a 8 ans, aux MJS (Jeunes Socialistes), puis a soutenu la "révolution de velours" dans son pays d'origine, de laquelle il a gardé une volonté de combattre "l'oligarchie et la corruption".

Il veut présenter une liste aux Européennes en mai, promettant "transparence" et "horizontalité", avec pour principale revendication le "référendum d'initiative citoyenne", car selon lui, "en l'obtenant nous pourrons agir sur tous les autres problèmes".

- Ne pas tomber dans l'oubli -

Une liste "gilets jaunes" pourrait recueillir 12% des voix, selon un sondage Ipsos réalisé les 5 et 6 décembre, avant les annonces d'Emmanuel Macron.

Cette liste prendrait surtout des électeurs au Rassemblement national (14% des voix, mais 17% sans la liste) et à la France Insoumise (9%, mais 12% sans la liste), principaux soutiens des "gilets jaunes".

Le parti LREM d'Emmanuel Macron, première cible du mouvement, resterait à 21%, avec ou sans cette liste.

A la tête du "mouvement citoyen des gilets jaunes", Kamal Amriou manifestera encore "pacifiquement" samedi place de la République, où viendront plusieurs partis de gauche, mais il admet qu'il faut maintenant "orchestrer le mouvement".

Les élections européennes "ça nous traverse l'esprit parce qu'il ne faut pas que tout cela tombe dans l'oubli".

Mais le feu couve toujours depuis les mesures annoncées lundi par Emmanuel Macron, qui divisent les "gilets jaunes".

"Déçu" par Emmanuel Macron, Christophe Chalençon, dans le Vaucluse, qui fait pourtant partie des représentants "constructifs" des "gilets jaunes", a appelé à "devenir encore plus ferme" et manifestera samedi "jusqu'à la démission" du président.

- Encore une "révolte" -

Pour la suite politique du mouvement, il a reçu le soutien de Bernard Tapie, patron du groupe de presse La Provence, qui propose ses locaux pour une réunion le 5 janvier et la publication de leurs demandes pendant 4 semaines. "Il faut que ce mouvement se structure sinon il risque de s'essouffler ou d'être récupéré par un parti", a dit l'ancien ministre à l'AFP.

Emmanuel Macron lui-même a invité vendredi les "gilets jaunes" à faire des "propositions" lors des prochaines échéances électorales.

Mais des porte-paroles plus radicaux, comme Priscillia Ludosky ou Maxime Nicolle, sont loin de lancer une liste. Ils ont appelé à une cinquième mobilisation samedi.

Le sociologue Pierre Rosanvallon ne voit pas un mouvement suffisamment structuré pour aller aux élections. Il s'agit d'une "révolte" et pas d'un "mouvement social", avec "ce que cela a historiquement impliqué en termes de conduite organisée de l'action ou de polarisation des objectifs", dit-il au Monde.

Les partis politiques cherchent aussi un débouché à la crise.

"Tout cela (les revendications des "gilets jaunes") ressemble fichtrement à un programme législatif", affirme Marine Le Pen qui propose de dissoudre l'Assemblée pour en débattre.

"La politique ce n'est pas la guerre civile. Ca doit être le lieu où on civilise les conflits", estime le responsable LR Guillaume Larrivé qui n'appelle plus à manifester.

Le parti du chanteur Francis Lalanne, Aliance écologiste indépendante, dit avoir réuni 800.000 euros pour financer une liste "gilets jaunes" aux Européennes et "battre les partis conventionnels sur leur terrain de jeu".

Pour le député LFI François Ruffin, les "gilets jaunes", "c'est une brèche ouverte pour la suite" avec, espère-t-il, "du soleil" derrière.

are/cs/jlp

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