Depuis 20 ans, "une déception croissante des chasseurs envers les partis de gouvernement" (chercheur)

Beaucoup de chasseurs des Hauts-de-France votaient à gauche mais depuis 20 ans, la déception à l'égard des partis de gouvernement gagne du terrain, souligne le socio-anthropologue Christophe Baticle, spécialiste de la chasse.

Question: Dans les Hauts-de-France, le vote des chasseurs est très courtisé. Vers qui penchent ces électeurs?

Réponse: Les Hauts-de-France se révèlent particulièrement concernés par les chasses au gibier d'eau et en plaine. Les classes populaires sont ainsi fortement présentes chez les chasseurs de la région. Historiquement, ces publics avaient le coeur qui penchait à gauche. Or, depuis près de deux décennies la déception à l'égard des partis de gouvernement s'est considérablement accrue du fait de leur aveu d'impuissance, et pas seulement sur les questions cynégétiques.

En conséquence, une part des chasseurs attirés par un discours de gauche s'est tournée vers un parti politique qui leur promettait une attention renouvelée en faveur du "chez nous". Ceci étant, on voit que lorsqu'une formation politique plus conventionnelle propose de les associer aux politiques publiques régionales, elle bénéficie d'un certain succès auprès d'eux.

Q: Le RN met en avant des candidats chasseurs. Pensez-vous que les chasseurs votent plus pour ce parti que l'ensemble de l'électorat ?

R: Ce phénomène n'est pas nouveau. En 2002, le mouvement de Bruno Mégret avait lancé plusieurs listes afin de drainer vers lui les publics chasseurs (via le parti Droit de chasse dans le Nord de la France). En 2002, on a eu tôt fait de conclure à l'extrême-droitisation des chasseurs, de la côte picarde notamment. C'était faire fi d'un autre phénomène: le poids des chasseurs dans ce secteur. Certes, leur report de voix en faveur de Jean-Marie Le Pen, au second tour de la présidentielle, était supérieur à la moyenne, mais c'est surtout leur masse qui a donné cette impression.

Ne serait-ce pas là plutôt l'effet d'une incapacité des gauches les plus visibles à parler en direction de ces franges des classes populaires qu'on dissimule souvent sous le tapis ?

Q: Dans l'Oise, la montée des critiques a-t-elle conduit certains chasseurs à courre à se radicaliser ?

R: Historiquement, ce sont plutôt des électeurs de la droite parlementaire. Le vote CPNT (Chasse, pêche, nature et traditions) a eu peu d'écho chez eux pendant les décennies de montée en puissance de ce mouvement. Ils bénéficient surtout de relais puissants au sein des instances cynégétiques, mais également dans les cercles politiques et socio-économiques qui influent sur les décisions politiques.

Ce qui est certain, c'est que ce mode de chasse compte parmi ceux qui se sentent les plus menacés par les critiques. Ses partisans espèrent donc une levée de boucliers de l'ensemble des petites galaxies cynégétiques.

Il n'y a pas que les classes populaires qui se tournent vers des formations situées à l'extrémité droitière du spectre politique, mais cette tendance reste aujourd'hui encore discrète et circonstanciée à des affinités conservatrices qui dépassent la seule question de la chasse.