Début de l'exercice inédit de "Convention citoyenne" sur le climat

La "Convention citoyenne sur le climat" s'est ouverte vendredi à Paris, exercice inédit dans la vie politique française pour proposer des mesures destinées à lutter contre le réchauffement climatique.

"Rien n'est interdit" a lancé Edouard Philippe aux 150 citoyens tirés au sort qui vont participer à cette "forme de démocratie participative inédite," selon la formule du Premier ministre venu leur présenter leur feuille de route.

C'est Emmanuel Macron qui avait annoncé cette Convention à l'issue du "grand débat" né de la crise des "gilets jaunes". Le sujet est en effet potentiellement explosif, puisque cette "crise sociale" avait justement été "déclenchée" par une possible hausse de la taxe carbone sur les carburants, a rappelé M. Philippe.

La mission est donc de proposer au gouvernement des mesures pour "réduire les émissions de gaz à effet de serre d'au moins 40% d'ici à 2030 par rapport à 1990", le tout dans un esprit de "justice sociale".

Le Premier ministre a rappelé l'engagement d'agir sur ces proposions en les soumettant soit au parlement, soit éventuellement à référendum.

Mais elles devront être finançables, a-t-il souligné, tout en souhaitant faire "de cette exigence environnementale un moteur d'action concret".

Les participants à la Convention ont été tirés au sort parmi 250.000 numéros de téléphone, avec des critères de représentativité (sexe, âge, catégorie professionnelle, lieu d'habitation...) pour refléter l'ensemble de la population.

Après une première journée consacrée principalement à la présentation de l'exercice - dont le Premier ministre a assuré qu'il serait appelé à se reproduire s'il faisait ses preuves - ils doivent se réunir pour six weekends de travaux d'ici fin janvier.

- "s'affranchir des limites imposées" -

Ils bénéficieront de l'intervention de différents experts, scientifiques, économistes, chercheurs en sciences sociales ou politiques, et d'experts sur l'application légale de leurs propositions, qui seront rendues publiques.

Ils doivent notamment travailler autour de cinq grandes thématiques: se déplacer, consommer, se nourrir, se loger, produire et travailler.

"Je suis très satisfaite, j'espère pouvoir faire entendre ma voix, j'ai de fortes convictions environnementales", se réjouit Muriel Raulic, intermittente du spectacle de 47 ans, venue de Toulouse et ravie d'avoir été tirée au sort.

"J'espère que ça servira à quelque chose", explique de son côté Alexia Fundere, 22 ans, étudiante originaire de Guadeloupe. Elle pense poster ses impressions des travaux sur les réseaux sociaux, pour "tenir au courant ma génération".

"C'est une chance qui nous est donnée de faire avancer les choses sur deux grands sujets, la démocratie et le climat", a déclaré de son côté Thierry Pech, directeur de la fondation Terra Nova et co-président du comité de gouvernance de la Convention, organe mis en place pour garantir l'indépendance du processus.

Sa co-présidente Laurence Tubiana, architecte des accords de Paris, y a vu "un moment de vérité", exprimant sa "conviction que la société et nos concitoyens sont plus en avance qu'on ne le pense et amèneront le gouvernement à s'armer de courage pour mener une transition écologique juste".

Par souci de transparence une partie des travaux seront diffusées sur le site de la convention (https://www.conventioncitoyennepourleclimat.fr), où sera également accessible la documentation fournie aux participants.

Ce modèle de "convention citoyenne", inédit en France, a par exemple été utilisé plusieurs fois en Irlande, débouchant notamment sur les référendums sur la légalisation de l'avortement ou le mariage pour tous.

Mais la démarche ne convainc pas nombre d'ONG, qui estiment que l'exécutif en profite pour ne pas assumer ses responsabilités. "Le lancement de cette convention ne doit pas faire oublier l'inaction continuelle du gouvernement", a ainsi dénoncé Greenpeace, appelant les participants à "s'affranchir des limites imposées par le gouvernement".

Et dans une tribune publiée sur le site Reporterre, des associations, dont des membres d'Extinction Rebellion, mouvement qui appelle à des actions de désobéissance civile dans la semaine qui vient, ont fustigé "des dispositifs (qui) ne proposent que des mesurettes ou des promesses lointaines et jamais tenues (et) ne servent qu'à gagner du temps".