Barricades incendiées en pleine rue piétonne décorée pour Noël, épais gaz lacrymogène faisant disparaître la cathédrale et la mairie : le centre de Bordeaux a connu samedi de gros débordements lors de l'acte IV de la mobilisation des "gilets jaunes".
Jusqu'en fin de soirée, dans le centre-ville de Bordeaux, de petits groupes ont mis le feu à des barricades, du mobilier urbain, et ont dégradé des vitrines et plusieurs banques, avant d'être dispersés par les forces de l'ordre.
L'Apple Store a notamment été dégradé et pillé, à l'angle de la place de la comédie et de la rue Sainte-Catherine, la plus grande artère piétonne commerçante de la ville, scintillant de toutes les lumières de Noël.
Les pompiers ont dû éteindre une à une ces nombreuses barricades incendiées tandis que les forces de l'ordre ont mené de nombreux assauts et fait usage de gaz lacrymogène contre les casseurs qui ont allumé des feux, utilisé des frondes et jeté des pavés.
Plusieurs personnes ont été interpellées, des passants ont été choqués, ont constaté des journalistes de l'AFP. Car contrairement à Paris, le centre de Bordeaux accueillait son lot habituel de consommateurs à l'approche des fêtes et des boutiques ont dû fermer précipitamment leurs devantures.
"Ces actions sont le fait de plusieurs centaines de casseurs. Un grand nombre d'entre eux étaient porteurs d'armes par destination (pavés, boules de pétanques, fumigènes, fusées de détresse...)", a souligné la préfecture de la Gironde dans un communiqué qui a qualifié ces évènements de "violents affrontements".
La manifestation, qui a rassemblé jusqu'à 4.500 personnes selon la préfecture, avait pourtant bien commencé et s'était déroulée dans le calme jusqu'à 16H00, les "gilets jaunes" s'étirant par petits groupes dans le centre où les Bordelais faisaient tranquillement leurs courses de Noël.
Des groupes de "gilets jaunes" avaient même fraternisé avec les manifestants pour le climat, qui avaient accepté de dérouter leur parcours pour rester loin de la mairie, où s'étaient cristallisées les violences des "gilets jaunes" ces deux derniers samedis.
C'est encore là que la situation a dégénéré en fin d'après-midi, sur cette place Pey Berland, bordée par la mairie et la cathédrale Saint-André, où des éléments incontrôlés ont affronté les forces de l'ordre.
- Frondes et pavés -
Des "gilets jaunes", partisans d'une manifestation pacifique, ont tenté en vain de les dissuader, certains se mettant à genoux, d'autres agitant de grands drapeaux blancs et huant les casseurs.
Cette fois-ci, la grille donnant accès à la cour de la mairie d'Alain Juppé, cible des "gilets jaunes" samedi dernier, est restée protégée par de nombreux véhicules des forces de l'ordre, dont deux blindés de la gendarmerie.
Le long de la cathédrale, les affrontements sont vite devenus violents, la place disparaissant sous les fumigènes et les gaz lacrymogènes qui rejetaient les passants dans les rues adjacentes.
Un jeune homme a eu la main arrachée par une grenade qu'il avait ramassée quand elle lui a explosé dans la main, selon une source judiciaire.
Sous le bruit des pales d'un hélicoptère de la police qui a survolé la ville tout l'après-midi, les secours ont évacué plusieurs blessés.
En tout, "26 personnes ont été prises en charge par les services de secours (SDIS et SAMU) dans deux points de regroupement des victimes", selon la préfecture.
Une source judiciaire mentionnait notamment un CRS atteint par un jet de pierres et une personne âgée qui ne participait pas au mouvement mais a fait un malaise.
Les transports n'étaient pas rétablis, notamment parce que des barricades enflammées ont endommagé des rails du tramway et des perturbations étaient à prévoir dimanche. La collecte des déchets dans l'hyper-centre a été annulée et le marché de Noël, près du Grand théâtre où ont eu lieu dans la soirée des affrontements, a été évacué, a annoncé Bordeaux métropole.
"C'est la première fois que je me fais gazer", disait Christian, un "gilet jaune" de 55 ans. "Le problème, c'est qu'on va parler des casseurs et pas des revendications".
Bilan: quelque 70 personnes ont été interpellées à Bordeaux.