Débat public sur les éoliennes flottantes en Méditerranée: de la curiosité et des doutes

Beaucoup de questions, mais encore peu de réponses : le débat public sur le projet d'installation d'éoliennes flottantes en Méditerranée suscite de la curiosité, mais aussi des doutes face à l'absence de retour d'expériences et à un calendrier très resserré.

La concertation, entamée le 12 juillet et prévue jusqu'au 31 octobre, a reçu "un accueil très positif", avec un public qui avait une "appétence pour les questions environnementales et l'énergie", a assuré auprès de l'AFP le président de la Commission particulière du débat (CPDP), Etienne Ballan, qui en a dressé un premier bilan mercredi soir à Marseille.

Au coeur des discussions : l'implantation de deux sites de 750 mégawatts (MW) chacun, dans le Golfe du Lion, entre Fos-sur-Mer (Bouches-du-Rhône) et Perpignan (Pyrénées-Orientales). Il est prévu une cinquantaine d'éoliennes flottantes sur chaque site, de 260 à 270 mètres de haut chacune.

Selon les pouvoirs publics, ces turbines pourront alimenter annuellement près de trois millions d'habitants.

Pour lutter contre le réchauffement climatique et diversifier sa production électrique, la France vise une proportion de 40% d'énergies renouvelables en 2030.

Les éoliennes flottantes sont privilégiées en Méditerranée, où la mer est trop profonde pour accueillir des éoliennes posées comme dans l'océan.

- "La fragilité du milieu" -

"On est loin d'une opposition pour ou contre. On a eu beaucoup de questions nuancées", a insisté M. Ballan, sociologue et urbaniste, à propos des "plusieurs milliers" de personnes qui se sont prononcées cet été autour de stands montés dans les villes du littoral et d'ateliers thématiques.

"Beaucoup se demandent si le jeu en vaut la chandelle et relèvent la fragilité du milieu méditerranéen", note-t-il : pour certains, "les objectifs climatiques ne doivent pas conduire à une perte de la biodiversité".

"Le plus grand danger de la biodiversité, c'est le réchauffement climatique", a répondu la ministre de la Transition écologique Barbara Pompili, en visioconférence mercredi soir.

L'un des participants au débat public, Djillali Guenniche, ingénieur aéronautique, se dit "emballé" par le projet. Mais "amoureux de la mer", il émet "des réserves" depuis qu'il a vu un photomontage du projet. Le Toulousain a réalisé le "gigantisme" des intallations, "presque aussi hautes que la Tour Eiffel", dans un espace encore "vierge" et "ressourçant". Et il voudrait qu'elles soient invisibles, repoussées au delà de la ligne d'horizon, estimait-t-il mercredi soir.

Une autre participante dénonce une "fuite en avant". "On additionne des énergies, mais on ne parle jamais de changement de mode de vie, de sobriété", déplore-t-elle. "Quid de la fin de vie des équipements et de leur recyclage ?" demande un autre.

- Trois parcs pilotes -

Autre interrogation, l'accélération du calendrier, alors que les parcs expérimentaux ne sont même pas construits. En Méditerranée, trois parcs pilotes de trois éoliennes sont attendus d'ici 2022-2023 au large de Gruissan et Leucate (Aude) et de Port-Saint-Louis-du-Rhône (Bouches-du-Rhône).

Les éoliennes commerciales "ne commençeraient à être construites que quatre ans" après les parcs pilotes, "ce qui pourra nous amener à évoluer", a défendu Mme Pompili, pour qui "repousser encore nous met en difficulté face au besoin d'électricité".

Des représentants d'entreprises spécialisées dans les éoliennes ont, eux, souligné les retombées pour l'emploi, avec la création de filières autour de l'éolien flottant. Selon eux, il serait dommage que la France manque ce rendez-vous après avoir manqué celui de l'éolien terrestre.

La synthèse de ce débat public sera publiée en décembre et l'Etat devrait y répondre dès mars 2022, quelques semaines avant l'élection présidentielle.

A Caen (Calvados) ou encore Malo-les-Bains (Nord), aux portes de Dunkerque, des manifestations ont rassemblé en juin plusieurs centaines de personnes hostiles à des projets de parcs éoliens offshore.

Les contestations sont aussi très vives dans la baie de Saint-Brieuc (Côtes-d'Armor) où doivent être érigées 63 éoliennes pour une mise en service prévue fin 2023.