Débat "environnement et numérique" à l'Assemblée: compromis sur les smartphones

L'Assemblée nationale a débattu jeudi des moyens de concilier développement du numérique et environnement, avec un compromis sur l'épineux sujet d'une redevance sur les smartphones d'occasion, objet de tensions entre mondes de la culture et de l'industrie.

Ce compromis prévoit que ces téléphones d'occasion seront soumis à cette "rémunération pour copie privée" (RCP), mais à un taux "spécifique et différencié" - tenant compte notamment de leur ancienneté par rapport au neuf.

Les entreprises du secteur social et solidaire spécialisées dans ce reconditionnement en seront quant à elles exemptées, un point sensible pour de nombreux députés.

La ministre de la Culture, Roselyne Bachelot, s'est félicitée d'une "solution gagnant-gagnant" pour les artistes et la filière économique.

La perspective de voir une loi exonérer les téléphones portables reconditionnés de cette redevance avait provoqué un tollé dans le monde culturel, qui y a vu une brèche dans un dispositif important de soutien aux artistes.

La RCP, créée en 1985, a généré 273 millions d'euros - l'équivalent de 7% du budget du ministère de la Culture - en 2020 au profit des ayants droit et de projets culturels comme les festivals.

A l'inverse, les entreprises du secteur souhaitaient cette exemption, estimant que cette redevance, si elle était pérennisée dans la loi, pourrait casser le dynamisme de cette filière fortement créatrice d'emplois, notamment dans l'économie solidaire.

Le secteur du reconditionnement a représenté 15% des ventes de téléphones en France en 2020.

La proposition de loi, dont l'examen au Palais Bourbon se poursuit en soirée, provient du Sénat où elle a fait l'objet d'un large assentiment transpartisan.

Plusieurs sénateurs, dont le rapporteur du texte Guillaume Chevrollier, ont publié jeudi dans le JDD une tribune réclamant avec vigueur l'exonération de cette redevance pour les appareils de seconde main, laissant augurer de nouveaux débats sur ce point en deuxième lecture à la chambre haute.

La proposition de loi comprend de nombreuses mesures visant en particulier à soutenir le recyclage et le réemploi des appareils numériques (smartphones, ordinateurs, tablettes etc.) pour réduire leur impact sur l'environnement.

- "Angle mort" -

"Il ne faut pas opposer deux transitions (écologique et numérique) mais faire en sorte qu'elles se nourrissent", a plaidé dans l'hémicycle le secrétaire d'Etat au Numérique, Cédric O.

"Angle mort des politiques environnementales", la pollution numérique "va s'imposer comme une problématique centrale des prochaines années", a souligné le rapporteur au Palais Bourbon, Vincent Thiébaut (LREM).

Le député communiste Alain Bruneel a reconnu des "avancées" et Virginie Duby-Muller (LR) a salué un texte globalement "nécessaire et ambitieux".

Bastien Lachaud (LFI) l'a toutefois accusé de se borner à "vider l'océan à la petite cuillère".

Selon les travaux d'une mission d'information sénatoriale, si rien n'est fait, le numérique serait à l'horizon 2040 à l'origine de 24 millions de tonnes équivalent carbone, soit environ 7% des émissions de la France, contre 2% aujourd'hui.

Smartphones, tablettes et autres ordinateurs seraient responsables de près de 70% de l'impact du numérique.

Le texte propose notamment la création d'un "observatoire de recherche des impacts environnementaux du numérique" afin d'établir des données plus précises sur cette problématique complexe.

Car s'ils sont énergivores et soumis à un renouvellement rapide, les appareils numériques permettent aussi de remplacer des déplacements encore plus générateurs de CO2.

Le texte veut inciter enfants, étudiants et professionnels à la "sobriété numérique" ou encore promouvoir des centres de données et réseaux moins gourmands en électricité.

Parmi les autres mesures proposées: renforcer la lutte contre l'obsolescence programmée des logiciels.

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