De la tente canadienne au mobil-home de luxe: le grand écart obligé des campings

Répondre à l'engouement pour les mobil-homes, sans chasser les mordus de la toile de tente: c'est le pari délicat des campings français, engagés dans une montée en gamme qui ne fait pas toujours bon ménage avec l'état d'esprit originel.

L'année 2017 a été celle de tous les records pour l'hôtellerie de plein air, avec 124 millions de nuitées engrangées dans les 8.000 campings de l'Hexagone, et une affluence historique d'étrangers.

Moteurs de ce succès, les sites haut de gamme dont la fréquentation a bondi grâce aux nouveaux services, principalement les piscines, et l'explosion des offres locatives en dur: mobil-homes (habitations construites sur châssis et pouvant être remorquées), mais aussi chalets, bungalows, tipis, cabanes dans les arbres et même yourtes.

"80% de nos ventes sont réalisées sur des campings dotés d'infrastructures de loisirs. Et les 4 et 5 étoiles connaissent une forte progression, notamment grâce à leur parc aquatique qui est aujourd'hui un incontournable", résume auprès de l'AFP Bryce Arnaud-Battandier, directeur général de Maeva.com, plateforme du groupe Pierre et Vacances qui commercialise plus de 1.200 campings.

Ce sont les vacanciers français qui fréquentent en majorité (69%) les campings nationaux. Et leur choix se porte souvent vers les structures en dur, à l'inverse des étrangers à la "pratique plus traditionnelle", qui "privilégient majoritairement les emplacements nus" pour tentes et caravanes, selon l'Insee.

Ces dernières années, l'engouement pour les mobil-homes a fait émerger des "campings-clubs", aux allures de villages-vacances où les toiles de tente ont quasiment disparu.

"Les vrais campeurs s'y sentent comme des autruches entre deux mobil-homes", déplore Céline Bossanne, co-fondatrice d'Huttopia, qui exploite des sites immergés dans la nature et proposant 70% d'emplacements nus.

"Certes il y a des gros campings qui mettent un maximum de mobil-homes pour attirer une certaine clientèle. Mais ce n'est pas la majorité: les campings se couperaient littéralement l'herbe sous le pied s'ils cessaient de proposer des emplacements nus", souligne Céline Cochelin, responsable marketing de la Fédération des campeurs, caravaniers et camping-caristes.

- "En maillot de bain, on est pareils" -

A l'inverse, une poignée de gérants ne veulent pas entendre parler de mobil-homes, comme Mathieu Maurel au camping Beauregard à Marseillan (Hérault): "On est un peu comme le dernier des Mohicans sur ce littoral".

"C'est un choix dans le rapport à l'humain, à la nature, à la vie. On a choisi l'authentique, mais c'est sûr que c'est moins rentable!", admet-il.

Le camping "doit rester abordable, car historiquement le marché a été porté par les comités d'entreprise et l'offre sociale. Et aujourd'hui, on couvre tous les besoins, 5.000 de nos 31.000 emplacements sont nus", indique Christophe Alaux, président du directoire de Vacalians, le plus gros exploitant de campings en Europe.

Dans la majorité des campings français, l'offre reste "extrêmement diverse", souligne le président de la Fédération nationale de l'hôtellerie de plein air, Nicolas Dayot: "On peut accueillir des gens qui ne sont pas campeurs à l'origine, mais qui sont séduits par les prestations fournies. Et c'est ce mélange de clientèles qui explique notre succès".

"Que ce soit les purs et durs avec leur tente canadienne, ou ceux qui veulent une tente ambiance +Out of Africa+ avec jacuzzi et bouteille de champagne, tout le monde y trouve son compte. En maillot de bain, on est pareils!", insiste Céline Cochelin de la Fédération des campeurs.

"Il n'y a pas de barrière entre ceux qui dorment sous leur tente pour 20-25 euros la nuit et ceux qui ont choisi la cabane tout confort à 180-200 euros", renchérit Céline Bossane d'Huttopia.

Mais pour les mordus de camping à l'ancienne, l'inexorable évolution est dure à avaler: "Les campings municipaux disparaissent comme peau de chagrin au profit de campings privés, qui offrent des prestations presque trop modernes pour nous", regrette Gérard Gordes, président du Rétro Camping Club de France et ses 200 passionnés de caravanes anciennes "d'avant 1977".

"Les zones de réel camping disparaissent", déplore-t-il. "Et nous, on aime bien camper tous ensemble sur un terrain sans délimitation, un peu comme des Sioux".

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