Dans une gare du Nord de la France, la SNCF met au point un TER automatique

C'est un gros bouton jaune qui change tout dans la cabine de conduite d'un TER: il va bientôt permettre au train de passer en pilotage automatique et de rouler tout seul, sans conducteur.

Depuis quelques semaines, une équipe d'ingénieurs animée par la SNCF teste capteurs, caméras thermiques, lidars et radars dont elle a équipé un Regio2N, un train régional à deux niveaux classique des Hauts-de-France. Le but du jeu est de le rendre autonome d'ici à 2023.

"L'objectif pour la SNCF est d'être en capacité d'exploiter des trains de différents niveaux d'autonomie, le plus vite possible, en fonction des avancées de la technologie", expose Luc Laroche, le directeur du projet train automatique.

Des métros automatiques roulent déjà depuis le début des années 1980. Mais si toutes les briques technologiques existent, la transposition aux chemins de fer est complexe, vu le nombre d'obstacles que peuvent rencontrer les trains.

La SNCF a réuni en 2018 deux consortiums, chargés de plancher en parallèle sur une locomotive de fret et sur un train de voyageurs.

Mercredi, ce second groupement faisait faire des allers-retours à la rame 117M pour en tester les capacités de freinage sur une voie de garage de la bucolique gare de Busigny (Nord): trente fois 700 mètres dans la journée, avec des pointes à 25 km/h.

Il s'est aussi intéressé cette semaine à l'automatisation de l'accélération.

"Il y a dans ce train tout ce qu'il faut pour qu'il soit complètement autonome", pointe Hugues Cheritel, chef du projet à la SNCF.

Les équipes l'auront pour eux pendant les vacances scolaires. Le reste du temps, il roulera normalement sur les voies de la région, mais la plupart des équipements --capteurs et autres-- continueront à fonctionner "en shadow" (sans interférer sur la marche du train), ce qui permettra d'en surveiller et en améliorer le fonctionnement.

"On a besoin de beaucoup de données pour vérifier que les systèmes fonctionnent, mais aussi pour faire apprendre de nombreuses situations à nos systèmes de détection", explique M. Laroche.

- Réalité en 2025? -

A l'avant du train, deux sièges ont été enlevés, remplacés par une armoire remplie de serveurs et de câbles, où cohabitent les équipements installés par les entreprises participantes: le groupe technologique Thales, l'équipementier automobile allemand Bosch, le constructeur ferroviaire Bombardier Transport (désormais Alstom, qui a construit le train), le spécialiste de l'intelligence artificielle SpirOps et l'institut de recherche technologique de la filière ferroviaire Railenium.

Le TER restant la plupart du temps en service commercial, les ordinateurs et la machines à café sont posés sur des tables de camping, devant des portes ou aux emplacements pour vélos.

L'équipe de Bosch installait justement mercredi une nouvelle caméra à l'avant du train.

Ses équipements viennent de l'automobile, mais les capteurs destinés au monde du ferroviaire doivent voir plus loin, les distances de freinage d'un train étant cinq fois plus importante que pour une voiture.

"Il doivent servir à lire la signalisation et détecter les obstacles, avec un degré de confiance aussi bon, voire meilleur, que pour un conducteur, et aussi par des temps compliqués de pluie, de brouillard et de nuit", indique Luc Vuillet, responsable du projet chez l'équipementier.

Les participants se sont partagés la facture du programme, 30 millions d'euros.

Si tout va bien, ils disposeront dans deux ans d'un prototype capable de rouler presque tout seul --avec une conduite automatisée, mais toujours un conducteur à bord-- ou carrément sans personne dans la cabine.

Les trains semi-automatiques (que l'on appelle "GOA2") ont notamment une marche plus régulière, ce qui permet d'en faire passer davantage sur une même voie. Et les trains entièrement autonomes ("GOA4"), moins chers à exploiter, pourraient être une bonne solution pour certaines petites lignes, note M. Cheritel.

Une exploitation commerciale est envisageable vers 2025, selon la compagnie publique.

"Les différentes activités de la SNCF seront alors en mesure de passer des commandes, selon leurs besoins, selon des degrés d'automatisme qu'elles choisiront", relève Luc Laroche.

En attendant, la SNCF dit étudier l'acceptabilité chez les passagers d'un train sans conducteur.

liu/pn/spi