Dans un village breton, une autre façon d'habiter

Au coeur du village de Saint-André-des-Eaux, noyées dans la verdure printanière, plusieurs maisons en bois: bienvenue au hameau du Placis, un "hameau léger", habitat d'un type nouveau qui se veut partagé, accessible à tous et intégrant le changement climatique.

Lunettes rondes, cheveux blonds, Xavier Gisserot, à peine 30 ans, est l'un des concepteurs de ce projet associatif dont l'une des ambitions est aussi d'accompagner les communes en quête d'alternatives au lotissement.

"Une des idées, pour nous, c'est de baisser les coûts contraints de la vie, comme le logement et l'énergie, des charges qui empêchent souvent les personnes de mener des projets comme elles le souhaiteraient", explique le trentenaire aux airs de premier de la classe.

Ici, chacun conçoit sa maison comme il l'entend, dans l'esprit du hameau, mais personne n'est propriétaire de son terrain: celui-ci est loué à la commune, à hauteur de 50 euros/mois par maison, dans le cadre d'un bail emphytéotique de 80 ans. Le coût de la majorité des maisons, pour la plupart autoconstruites, est compris entre 12.000 et 15.000 euros, avec une emprise moyenne au sol de 20m2, un peu plus avec une mezzanine.

Il s'agit aussi "d'avoir le plus faible impact écologique possible, à tous les niveaux": des fondations "qui n'imperméabilisent pas le sol" (sur pieux, sur pneus) pour pouvoir le rendre à la nature (principe de réversibilité), des matériaux de construction à faible impact carbone (bois, chanvre, terre, etc...), voire du recyclage (huisseries, par exemple), une énergie économe (bois, panneaux solaires), récupération de l'eau, assainissement par phytoépuration, etc...

Pour compenser la modeste superficie des maisons, un bâtiment commun comprend une buanderie, une grande salle pour les fêtes, quelques chambres pour les hôtes de passage.

Bien que ce soit lui qui a contacté l'association, le maire reconnaît qu'au départ le conseil municipal était "partagé". "Certains voyaient déjà des yourtes, un village de beatniks... La peur de l'autre qui arrive. Comme tout projet innovant, c'est légitime, ça fait se poser des questions", dit Jean-Louis Nogues.

Bilan: "Ca n'a rien coûté à la commune ni en viabilisation, ni en voirie. On reçoit un loyer de 5.000 euros par an, on a huit maisons et de nouveaux habitants. En plus, on a conservé deux beaux talus de chênes qu'il fallait araser si on avait construit comme prévu un lotissement ordinaire". Et, en prime, "le café et l'épicerie tournent à nouveau", se réjouit l'élu, agriculteur "en conventionnel", précise-t-il.

De 270 habitants il y a une dizaine d'années, le village est "quasiment passé à 400 aujourd'hui", se félicite M. Nogues.

-"Sobriété"-

Nolwenn Le Nir, 29 ans, a "conçu tous les plans" de son intérieur douillet: un seul espace avec un coin cuisine, un coin repos, une douche en cours d'installation. "Jusqu'à présent, j'en ai eu pour 13.000 euros", dit-elle.

Originaire de Grenoble, la jeune femme avait "envie de ralentir, de vivre en milieu rural". Elle a passé le deuxième confinement avec l'association et n'est "jamais repartie", dit-elle, séduite par "la gouvernance partagée, la solidarité et l'entraide".

Graphiste, elle prépare actuellement un CAP de cuisine et participe comme "bénévole à temps plein" à la construction du bâtiment commun. "J'ai moins de besoins économiques. Je préfère utiliser mon temps et mon énergie ailleurs que dans le travail (salarié). C'est ce que j'ai envie de m'offrir".

La mixité sociale "est au coeur du projet", assure Xavier Gisserot. "On a une très grande diversité de profils et de revenus". Beaucoup de 25/35 ans en quête "d'un mode de vie qui corresponde à leurs valeurs" mais aussi de "futurs ou de jeunes retraités qui cherchent un cadre où ils vont pouvoir bien vieillir socialement et diminuer leurs dépenses".

L'association, qui emploie une dizaine de salariés, accompagne actuellement une dizaine de communes, la plupart en Bretagne.

"Cet aspect de sobriété, de vivre avec moins (...), c'est un mode de vie qui permet une liberté, c'est un levier d'émancipation. Dans 10 ou 20 ans, ça sera certainement davantage développé", anticipe Xavier Gisserot.

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