L'eau qui "commence à manquer", un décor "apocalyptique" tout autour d'eux, la crainte des "pillages" qui émerge, le tout sur fond de "drame sanitaire" qui couve: à Mayotte, défiguré par le cyclone Chido depuis samedi, les Mahorais joints lundi par l'AFP décrivent leur sidération.
Antoy Abdallah: "On commence à manquer d'eau"
"C'est un peu de la folie, on est complètement coupés du monde. On n'a accès à aucune information. On n'a ni la radio, ni internet, ni le téléphone", explique cet habitant de Tsoundzou (côte ouest) âgé de 34 ans, qui s'est arrêté au bord de la route en voyant qu'il avait accès au réseau téléphonique.
"On commence à manquer d'eau. Dans le sud, il n'y a plus d'eau courante depuis cinq jours. Il nous reste quelques bouteilles mais il n'y a quasiment plus de stocks dans les magasins" et "maintenant on ne peut même plus quitter l'île parce qu'il n'y a plus de vols commerciaux", s'inquiète-t-il.
Yves Michel Daunar: "C'est apocalyptique"
"La situation est un désastre. La préfecture n'est plus debout, une bonne partie de l'hôpital est par terre, le conseil général est par terre. C'est apocalyptique", constate le directeur de l'Établissement public foncier de d'aménagement de Mayotte (Epfam).
La population de l'archipel est suspendue à l'aide d'urgence, qui "commence" tout juste à affluer: "Il n'y a pas d'eau, pas d'électricité. On survit. Il n'y a plus un arbre debout. J'ai des collaborateurs qu'on n'arrive pas encore à joindre. Les voitures ont toutes les vitres cassées", décrit-il.
Pour le dirigeant, cette situation découle surtout du fait qu'à Mayotte "l'habitat n'était pas préparé" à résister à un phénomène d'une telle puissance. Outre les habitations informelles bâties en tôle, "la moitié des maisons en bon état est par terre", jauge le spécialiste. "On est sur quelque chose d'assez horrible. J'ai vu des personnes qui ont le regard dans le vide."
Tanya Sam Ming: "Beaucoup de gens n'ont plus rien"
Dans le chef-lieu Mamoudzou, dont elle vit en périphérie, le réseau téléphonique "a été rétabli", explique Tanya Sam Ming, une employée du rectorat de Mayotte. Mais ce n'est pas le cas partout, encore moins pour l'eau, et "les pillages, c'est ce que tout le monde craint, surtout les gens dont les maisons sont éventrées", raconte-t-elle, évoquant des personnes qui ne quittent plus leur domicile de peur de se faire dérober leurs biens.
"J'ai des amis qui habitent (dans le quartier de) Convalescence, ils me disent qu'ils voient passer des gens avec des appareils électroménagers dans les bras", poursuit-elle. "Les pillages font peur mais en même temps, beaucoup de gens n'ont plus rien et (en) dernier recours essayent d'attraper des choses comme ils peuvent."
Tanya Sam Ming a encore accès à l'eau, "parce qu'on est proches de l'hôpital". Mais c'est "le carburant (qui) va bientôt être un problème, car les stations-services sont réquisitionnées" par les autorités.
Youssouf Ambdi: "Un drame sanitaire" à venir
"Notre priorité à Ouangani a été de déblayer les routes", explique Youssouf Ambdi, le maire de cette commune, la seule de l'archipel à ne pas toucher le littoral.
L'édile de 45 ans, qui voit s'amonceler les défis pour le département le plus pauvre de France, s'est "déplacé jusqu'à Mamoudzou pour avoir un peu de réseau", coupé dans sa ville depuis samedi, afin de pouvoir "lancer un appel d'urgence".
"Mayotte a été touché de plein fouet, maintenant il faut gérer les urgences. Rétablir l'eau et l'électricité. Mais tous les câbles sont à terre. Et si on n'agit pas vite, c'est un drame sanitaire qui va se jouer", alerte-t-il. Pour l'heure, faute d'accès à l'eau courante, "les gens vont chercher de l'eau à la rivière, on est revenus 40 ans en arrière", dit-il.
"Nous n'avons pas un seul magasin d'ouvert dans l'ouest et le centre. Et il y a de grosses chances que les stocks soient fichus parce qu'il n'y a plus d'électricité. Les établissements scolaires ont tous été partiellement détruits. On ne sait même pas ce qu'il se passera à la rentrée scolaire en janvier", égrène-t-il.