Dans un hôpital gériatrique de Lyon, des seniors à l'abri de la canicule

Les infirmières passent au brumisateur les visages d'une douzaine de seniors dans la salle d'activités de l'hôpital gériatrique Pierre Garraud à Lyon, où le personnel s'affaire nuit et jour selon un protocole renforcé en période de canicule.

Un juke-box digital diffuse à bas bruit "Hey Jude" des Beatles, et une infirmière joue aux dominos avec deux patients en fauteuil roulant dans une vaste salle maintenue à une agréable température de 25 degrés.

Ces "patients résidents", comme la direction appelle pudiquement les personnes "qui finissent leur vie ici", sont en perte d'autonomie mais souffrent aussi de pathologies lourdes nécessitant qu'ils demeurent en milieu hospitalier, où médecins, infirmières et aides-soignants sont présents H24.

A Pierre Garraud, établissement-modèle des Hospices Civils de Lyon (HCL), deuxième groupement hospitalier public de France après l'AP-HP de Paris, ils bénéficient d'un cadre privilégié: parc magnifique offrant de nombreux coins d'ombres, chambres coquettes donnant sur un jardinet privatif maintenu rafraichi par une épaisse glycine, système de refroidissement par circulation d'eau froide dans les canalisations...

"Les familles nous remercient car, contrairement à une climatisation classique, leurs aînés ne prennent pas froid ou ne tombent pas malade parce que l'air leur souffle dessus", s'enorgueillit Sandrine Bô, cadre de santé en gériatrie et responsable de ce pavillon.

- Chance -

Tous les patients des hôpitaux publics n'ont pas forcément la même chance.

Ces derniers jours, le syndicat Fédération Autonome de la Fonction Publique Hospitalière (FA-FPH) dénonce "des températures jusqu'à 33 degrés ou plus" dans certaines chambres de l'hôpital Edouard Herriot, porte-drapeau des HCL, y compris en gériatrie. "Les patients fragiles, et souvent très âgés, sont hospitalisés dans des chambres sans climatisation (...), peu de brumisateurs, peu de ventilateurs et des fontaines à eau souvent en panne", liste le syndicat.

La direction d'Edouard Herriot, dans une réponse à la FA-FPH, reconnaissait vendredi un "dysfonctionnement" du "système de rafraichissement" et promettait climatiseurs mobiles, rafraichisseurs et ventilateurs, "en cours de livraison".

A Pierre Garraud, dans sa chambre ornée de ses tableaux et nombreuses photos de ses enfants et petits enfants, Bernadette Fèvre-Coliard, 88 ans, montre fièrement comment elle règle le thermostat à 19°C la nuit. "Je dors très bien. Et les médecins, infirmières et autres personnels passent souvent me voir à cause de la canicule", explique-t-elle avant d'ouvrir la baie vitrée sur son coin de jardin.

"Je vous sers un verre d'eau ?", esquisse le Dr Grégoire Ollagnier, médecin gériatre et chef du service des soins à longue durée (SDL) à Pierre Garraud. "Non, non, je n'en ai pas besoin pour le moment", répond la frêle vieille dame. "Vous êtes sûre ?", insiste-t-il.

- Déshydratation -

"Les plus fragiles ou avec des troubles neurocognitifs, ne pensent pas forcément à boire, on doit être proactifs", plaide le Dr Ollagnier qui dirige une dizaine de médecins pour les 234 lits de Pierre Garraud.

"Nous avons un plan canicule initié par les Hospices Civils de Lyon", explique Mme Bô: "des consignes strictes sur l'hydratation, on adapte l'alimentation, on leur donne des aliments plus froids, plus de yaourts - un yaourt équivaut à un verre d'eau -, et puis des glaces, on essaie aussi d'être dans l'alimentation-plaisir..."

"Les tours de boissons sont plus nombreux, on est vigilant sur l'habillement", détaille-t-elle aussi.

"Avec la canicule, on fait tout pour éviter que les résidents sortent aux heures chaudes, on privilégie les animations à l'intérieur", renchérit le Dr Ollagnier. "Au niveau médical, on fait attention aux traitements parce que les effets de certains peuvent être un peu délétères avec la chaleur, on réadapte notamment les diurétiques ou les antihypertenseurs pour prévenir la déshydratation".

A-t-il noté une surmortalité avec la chaleur intense ? "Depuis la première grande canicule en 2003 on y est bien plus sensibilisés, mieux formés, c'est arrivé par le passé mais ce n'est plus le cas", assure le praticien.