Après les quartiers populaires début juin, le Premier ministre François Bayrou était au chevet des zones rurales vendredi dans les Vosges, où il a salué le bilan positif des maisons France Services et du plan pour les campagnes lancé en 2023, annonçant une prolongation des mesures à moyens constants.
A l'occasion d'un troisième Comité interministériel aux ruralités (CIR) organisé dans le village de Mirecourt, où le président Emmanuel Macron était venu plaider en 2018 pour une "ruralité active", le chef du gouvernement a réitéré devant les maires ruraux son souci de renouer avec un "aménagement équilibré du territoire".
M. Bayrou a visité dans la matinée l'école nationale de lutherie avant de se rendre dans un lycée agricole accompagné de sept ministres, dont Élisabeth Borne (Éducation), François Rebsamen (Aménagement du territoire) et Françoise Gatel (Ruralité).
Les zones rurales, qui regroupent 22 millions d'habitants et 88% des communes, sont de retour dans l'agenda politique depuis que la crise des "gilets jaunes" de 2018 a révélé le cruel sentiment d'abandon et d'éloignement des services de leurs habitants.
"Ces dernières années, on a eu le sentiment qu'il y avait parfois un sentiment d'abandon ou de relégation. Et pourtant, nous avons pu vérifier que de magnifiques projets existaient, pouvaient se développer", a déclaré le Premier ministre devant la presse.
Depuis, le gouvernement a lancé en 2019 un "agenda rural" assorti de 181 mesures, accéléré le déploiement des maisons "France services" aujourd'hui au nombre de 2.800, puis le plan "France Ruralités" en 2023, dont le programme "Villages d'avenir" vise à mieux accompagner les maires.
A Mirecourt, François Bayrou a salué le "grand succès" des maisons France services et du déploiement de la fibre, qui couvre désormais 92% du territoire.
Concernant France Ruralités, "l'état d'esprit est de prolonger les mesures qui fonctionnent (...) et de les adapter quand c'est utile (...), à moyens constants", avait précisé la veille une source gouvernementale, assurant que "30 des 32 mesures concrètes" pour les habitants annoncées en 2023 ont été "soit déjà intégralement réalisées", soit sont "en cours de déploiement".
Le fonds pour le commerce rural a ainsi permis de "valider 604 projets" pour une enveloppe de 14 millions d'euros.
Certains dispositifs, comme les bus médicalisés pour lutter contre les déserts médicaux, n'ont toutefois pas fait leurs preuves, avec seulement 11 des 100 bus promis pour fin 2024 effectivement en circulation.
- "Mesures minimalistes" -
Devant les élus de l'Association des maires ruraux de France (AMRF), M. Bayrou a dit vouloir poursuivre l'effort avec 41 mesures, l'essentiel déjà existantes, dont la poursuite du soutien au commerce rural et la création de 200 nouvelles maisons France Services, tout en anticipant des "efforts" dans un contexte budgétaire contraint. Il s'agit de "faire autant, faire mieux avec une maîtrise de la dépense publique", a-t-il souligné.
Parmi les nouveautés, le gouvernement souhaite déployer le nouveau "versement mobilité régionale et rurale", même si plusieurs régions ont annoncé qu'elles ne mobiliseraient pas ce levier pour ne pas pénaliser les entreprises.
Sur le logement, le gouvernement prévoit d'adapter les dispositifs de l'Agence nationale de l'habitat, tandis qu'une convention a été signée sur l'école pour mieux anticiper les fermetures de classes.
Les "stages en ruralité" pour les médecins juniors sont amplifiés, même si les professionnels de santé dénoncent une mise en place bâclée sur le terrain, et des "équipes en santé mentale" seront déployées pour les jeunes ruraux.
Le dispositif Villages d'avenir qui a bénéficié à près de 3.000 communes se poursuit, mais rien n'a été annoncé sur son éventuelle prolongation après 2027.
"Les mesures consistent souvent à améliorer des mesures existantes", a reconnu le président de l'AMRF Michel Fournier, à l'issue du CIR, appelant à "ne pas cracher dans la soupe".
"Le fil rouge, c'est l'imprécision. Il n'y a plus de chiffres et pas d'engagement sur l'objectif", a critiqué un observateur, souhaitant garder l'anonymat.
"Les mesures sont assez minimalistes, ce sont des mesures de soutien à des politiques sectorielles, mais la question agricole est évacuée et il n'y a rien sur la transition écologique", a commenté Xavier Desjardins, professeur en urbanisme et aménagement de l'espace.
Interrogé, le géographe Frédéric Richard estime qu'il y a "un paradoxe entre le constat selon lequel les espaces ruraux ont été délaissés et le fait qu'il n'y ait strictement aucune annonce forte", avec des sommes annoncées jugées "ridicules par rapport aux enjeux".