Dans les Pyrénées, un village face aux fléaux de la nature

Coussins à air comprimé, vérin hydraulique, explosifs: après un éboulement "majeur" dans une vallée des Pyrénées, des travaux d'ampleur en altitude visent à faire tomber un piton rocheux de 2.000 tonnes pour sécuriser une route menant à l'Espagne.

Dans ce secteur de la vallée d'Ossau, entre le village de Laruns et le col du Pourtalet, les aléas climatiques et autres phénomènes naturels ont déjà causé d'importants dégâts. Coulées de neige et éboulements en 2013, route effondrée après des intempéries en 2018, crues torrentielles en 2019 et 2021, et deux nouveaux éboulements depuis le début du mois.

"Nous faisons face à une accumulation de phénomènes météorologiques, climatiques et géologiques", constate le maire de Laruns, Robert Casadebaig. Depuis le versant opposé à celui de l'éboulis, jumelles devant les yeux, il observe les opérations lancées mercredi à 1.800 mètres d'altitude.

Le 3 mai, un écoulement "majeur" a entraîné la chute d'environ 1.000 mètres cubes de roche sur la route départementale 934 qui mène au col du Pourtalet. "Fort heureusement, il n'y avait personne à ce moment-là", souffle l'édile. Mardi, un nouvel éboulement, bien moins important, a touché le même axe plus bas dans la vallée.

Durant les prochains jours, une équipe de l'ONF, le service de Restauration des terrains en montagne (RTM), et une société spécialisée, FFT, tenteront de détacher un morceau de paroi menaçant, bloc de près de 2.000 tonnes, haut comme un immeuble de 10 à 15 étages.

"On a comme une tranche de cake prête à basculer", résumé Alain Bruzy, chargé des opérations pour l'ONF. "Vu la fissure, il est évident que ça va tomber sur la route, donc on préfère provoquer plutôt que subir."

- Séisme -

Le technicien avance plusieurs facteurs pour expliquer les récents éboulements : une zone "à très mauvais potentiel géologique", des pluies abondantes sur des terres très sèches, et des risques sismiques.

"Il y a des failles tout le long des Pyrénées et le 17 avril, un séisme de puissance 4 sur l'échelle de Richter a eu lieu dans la vallée d'Aure", à quelques dizaines de kilomètres à vol d'oiseau.

Si le système de vérin et de coussins à air comprimé pour écarter la fissure ne fonctionne pas, les équipes essaieront de dynamiter la paroi. Le Département, gestionnaire des routes, et la préfecture des Pyrénées-Atlantiques n'imaginent pas une réouverture de l'axe avant mi-juin, "si tout fonctionne comme on le veut", précise le préfet Charles Michel.

Maire depuis 2008, Robert Casadebaig tient le compte des fléaux qui grèvent le budget de sa petite commune de 1.200 habitants. Les crues torrentielles de 2019 et 2021 ont causé entre 3 et 4 millions d'euros de dégâts à la voirie et aux réseaux souterrains, en partie indemnisés par le Département, la Région et l'État. "On a un reste à charge d'environ 50% et ça pèse très lourd sur le budget, donc on est obligé de prioriser. On ne pourra réparer qu'au long cours", explique-t-il.

Pour le Train d'Artouste, attraction touristique la plus fréquentée du Béarn avec environ 120.000 passagers par saison, la coupure de l'axe routier frontalier va toucher "30 à 40% de la clientèle", explique Jean-Christophe Lalanne, directeur de la régie touristique. De mai à octobre, le train panoramique à 2.000 mètres d'altitude, le plus haut d'Europe, emploie 110 saisonniers.

Selon une étude de l'Observatoire pyrénéen du changement climatique (OPCC), publiée en décembre 2018, "les effets du changement climatique sont particulièrement intenses dans les régions de montagne telles que la chaîne pyrénéenne". Elle affirme notamment que "la plus grande variabilité du climat pourrait entraîner une plus grande fréquence de phénomènes de type glissements de terrain, éboulements et avalanches".