Dans les Pyrénées-Orientales, minées par la sécheresse, l'urbanisation en question

Insuffisamment régulée, l'urbanisation des dernières années dans les Pyrénées-Orientales fait l'unanimité contre elle, alors que l'eau manque dans ce département, mais défenseurs de l'environnement et élus locaux sont loin de s'accorder sur les réponses à apporter.

"C'est vrai, on a consommé des terres sans véritablement se soucier de pourquoi on le faisait", mais "on a tous pris conscience qu'on ne peut plus faire comme avant", reconnaît Edmond Jorda, président de l'Association des maires de ce département (AMF 66), l'un des plus pauvres de France.

"Il faut repenser l'urbanisation", à commencer par le logement. "On ne peut plus faire (...) des lotissements avec des parcelles de 500 m2, s'étaler" encore, "il faut réinvestir les centres anciens", ajoute-t-il.

Au moins 22.500 hectares sur un total de 411.600 dans le département avaient été artificialisés jusqu'au début de l'année 2022, dont près de 1.900 au cours de la décennie 2012-2021.

Le "mouvement d'extension urbaine" a certes été soumis à "des contrôles assez faibles", mais cette situation est en train d'évoluer sous l'effet de la législation, tempère la préfecture.

La loi Climat et résilience votée en 2021 visait initialement le "zéro artificialisation nette des sols" (ZAN) en 2050, avec pour objectif intermédiaire la réduction de moitié de la consommation d'espaces naturels, agricoles et forestiers au cours de la décennie allant jusqu'en 2031.

- "Moratoire complet" -

Face à la contestation de certains élus locaux et chefs d'entreprise, le gouvernement a fait voter par le Parlement en 2023 une nouvelle loi censée apporter davantage de souplesse aux élus locaux pour piloter le dispositif des ZAN.

Plus de 20.000 hectares sont artificialisés chaque année en France, soit près de cinq terrains de football par heure, perturbant, entre autres, le cycle de l'eau.

Alors que les Pyrénées-Orientales connaissent une sécheresse sans précédent, l'association de défense de l'environnement Frene 66 propose "un moratoire complet sur l'urbanisation" et met en cause la croissance démographique dans ce département qui compte de nombreuses stations balnéaires sur la Méditerranée.

"Il y a tellement de locaux vides et en résidence secondaire. (...) Il faut contraindre les résidences secondaires à être louées, il n'y a pas d'autre solution", affirme le président de l'association, Marc Maillet.

Selon l'Insee, 27,9% des logements étaient des résidences secondaires en 2020 dans les Pyrénées-Orientales, contre 9,7% en France.

De son côté, David Berrué (Les Ecologistes) propose de reconstruire sur les friches commerciales: "Ces zones déjà artificialisées, et Dieu sait s'il y en a autour de Perpignan, peuvent être dédiées au logement", assure-t-il.

"Il y a très peu de friches dans notre département", estime pour sa part M. Jorda, pour qui "l'artificialisation zéro, c'est impossible", de même "qu'arrêter la croissance démographique".

Or, pour M. Berrué, "il faut cesser de voir la croissance démographique comme étant le signe d'un meilleur développement".

- Département attractif -

La population des Pyrénées-Orientales (491.000 habitants en 2023) a augmenté de 70% depuis 1970, une croissance "portée uniquement par les migrations", selon une étude de l'Insee de septembre qui fait état d'une progression moins forte depuis 2014: +0,6 % par an, au lieu de +0,9 % entre 2009 et 2014.

En France, la population a augmenté de 0,3% entre le 1er janvier 2023 et la même date de 2024.

La préfecture des Pyrénées-Orientales note que le département est "attractif - pour différentes raisons, dont son climat - avec une croissance démographique qui est dense".

Le projet de Schéma de cohérence territoriale (Scot) - un document de planification de l'aménagement - pour la plaine du Roussillon, où vit près de 70% de la population du département, prévoit dans sa version non définitive une croissance démographique annuelle de 0,7% et l'arrivée de 35.500 habitants supplémentaires d'ici 2037.

Une telle augmentation de la population entraînerait "une consommation d'eau annuelle supplémentaire d'à peu près deux millions de m3", s'alarme l'hydrogéologue Henri Got, alors que "la ressource en eau est très nettement fluctuante".

"Et nous entrons dans une période de changement climatique qui ira en s'accentuant", prévient-il, le précieux liquide se faisant plus rare à mesure que la température augmente.

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