Dans les Alpes, un village vote pour la fin du ski face au changement climatique

Le premier téléski date des années 30, puis il y eut les années fastes des sports d'hiver, avant que la neige se raréfie avec le changement climatique. Samedi, les habitants d'Allos, dans les Alpes du Sud, ont voté pour l'arrêt du ski alpin dans leur station de Val d'Allos-Le Seignus.

Trois choix s'offraient aux membres des 5.000 foyers fiscaux (les 600 habitants à l'année et ceux en résidences secondaires) de ce village des Alpes-de-Haute-Provence: maintenir le ski alpin au Val d'Allos-Le Seignus, à 1.500 mètres d'altitude, et voir leurs impôts locaux augmenter de 30 à 35%.

Ne conserver le ski que sur une partie du Seignus et accepter une augmentation d'impôts de 10 à 15%.

Ou, enfin, le choix déjà acté récemment par d'autres stations comme celle du Grand Puy dans le même département: arrêter le ski face au manque de neige et au déficit chronique qui en découle.

C'est cette dernière option qui a séduit la majorité (50,1%) des 1.342 habitants ayant pris part au vote, soit une participation d'environ 30%.

Ils sont 36,4% à avoir opté pour le maintien total du ski alpin dans la station et 12,6% à s'être prononcés en faveur d'un maintien du ski sur une partie seulement du domaine.

La décision que prendra la mairie "n'est pas arrêtée pour autant aujourd'hui. Les électeurs se sont prononcés sur une option qui nous donne une feuille de route", a réagi auprès de l'AFP le maire d'Allos, Michel Lantelme, précisant qu'une réunion du conseil municipal doit avoir lieu lundi soir pour analyser ces résultats.

La station de la Foux d'Allos, également située sur la commune mais plus haute en altitude et reliée à celle de Pra Loup au sein de l'"espace Lumière", n'est elle pas concernée pas une éventuelle fermeture.

Propriétaire de magasins de ski, Sylvain Barbotin, 63 ans, rappelle combien la piste de la Valcibière est "mythique": "elle est complètement isolée", elle est bordée d'"un domaine hors-piste magnifique", s'enthousiasmait avant le scrutin cet ancien sportif de haut niveau, rappelant qu'en 1989 la station avait accueilli les championnats de France, avec la victoire de la légende Luc Alphand.

Mais la belle époque du siècle dernier, quand les touristes affluaient de tout le sud de la France, est révolue.

"On ne peut plus se permettre de perdre du temps", s'alarme le maire, qui a organisé la consultation avec un vote en ligne ouvert depuis le 4 juin et un vote physique samedi jusqu'à 18h00.

"Le déficit structurel est avéré et aujourd'hui, il est à hauteur de 700.000 euros" pour l'année, incluant l'été 2024 et l'hiver 2024-2025, décrit l'élu.

- Plus que 52 jours par an -

Les différences de hauteur de neige varient beaucoup "entre la haute altitude, qui ne voit la hauteur de neige baisser que très faiblement, et la basse altitude", explique Nicolas Roux, responsable du centre Météo-France pour les Alpes du Sud.

Avec la hausse des températures, la pluie remplace la neige, et la neige tombée fond plus rapidement, explique le scientifique.

Dans une "France à +4°C" à la fin du siècle, les secteurs des Alpes du Sud situés à 1.800 mètres d'altitude n'auront plus que 52 journées avec un enneigement nécessaire au ski, contre 132 jours sur la période 1976-2005.

Et même à haute altitude, "en avançant dans le temps, on va se retrouver avec des durées d'enneigement plus faibles", prévient M. Roux, (121 jours contre 170).

"Le Seignus est un très beau domaine, j'ai commencé mes premiers cours de ski" là-bas, se souvient Jade Ortu, qui s'est ensuite perfectionnée en intégrant une section de sport-études: "Ca m'embêterait que ça ferme, ça me ferait un petit pincement" au coeur, ajoute la jeune femme qui travaille à Allos mais n'a pas pu voter, faute d'y résider.

Pour Thomas, saisonnier de 31 ans, qui veut rester anonyme, les responsables locaux ont en fait "laissé mourir le Seignus" car ils "voulaient privilégier la Foux d'Allos". Pour lui, le hameau du Seignus est "une ville morte": "tout est à vendre, laissé à l'abandon, d'une tristesse absolue".

Comme dans d'autres stations de basse altitude, toutes les pistes sont explorées pour diversifier l'offre touristique: VTT en été, randonnée ou encore raquettes.

"Il faut anticiper une transition sur les dix prochaines années. C'est là-dessus qu'on peut être d'accord", suggère Sylvain Barbotin, élu au conseil municipal, qui regrette l'organisation de cette concertation: "même si elle a le mérite d'être transparente, (...) cela revient à dire +on va droit dans le mur, on ne s'en sort pas financièrement, alors on arrête le Seignus+".