Dans l'épicerie de Mazangé, le pari de la revitalisation des commerces en milieu rural

"Il y a tout pour réussir. Maintenant, il faut des clients": dans l'épicerie solidaire qu'il inaugure vendredi, le maire de Mazangé (Loir-et-Cher) résume l'enjeu de la revitalisation des commerces en milieu rural, défi auquel tente de répondre le gouvernement.

Le village abrite un peu plus de 850 habitants. Et depuis 2020, sa "rue du commerce" est déserte. Les deux épiceries, puis la boucherie, dont on devine encore les devantures, ont baissé le rideau.

"C'est la boucherie qui a fermé en dernier, faute de repreneur", se désole Martine Boisgrollier, retraitée, très contente de voir un magasin rouvrir dans le bourg où elle vit depuis trente ans.

L'épicerie solidaire, installée dans l'ancien bâtiment de La Poste réhabilité, s'inscrit dans le "programme de reconquête du commerce rural", lancé en mars dernier par la ministre en charge des PME et du Commerce, Olivia Grégoire.

Cette dernière, présente à Mazangé vendredi matin, a d'ailleurs annoncé une seconde vague de lauréats: 105 projets qui, un peu partout en France, recevront des subventions afin de revitaliser les communes rurales.

Au total, et pour 2023, ce plan doté de 12 millions d'euros touchera 100.000 personnes à travers les communes concernées et devrait être renouvelé les deux prochaines années. A Mazangé, l'épicerie a bénéficié d'une subvention de 12.000 euros de la part de l'Etat.

- Une économie moribonde -

Ce soutien de l'État se justifie, selon la ministre, par un "besoin de lien social dans nos communes".

Une analyse qui converge avec celle d'Anne Epaulard, professeure d'économie à l'Université Paris Dauphine et autrice d'une note sur le sujet pour le Conseil d'analyse économique (CAE): "un commerce rural peut contribuer à créer du lien social, à redynamiser la commune", dit-elle à l'AFP.

D'autant plus que la conjoncture actuelle pourrait être favorable. Anne Epaulard mentionne par exemple "le prix de l'essence qui rend les déplacements vers les supermarchés plus coûteux", et potentiellement dissuasifs.

Mais malgré cette dynamique, les subventions sont devenues nécessaires tant l'environnement économique autour des commerces en zone rural est moribond.

Concurrencés par les grandes surfaces qui ont essaimé jusque dans les zones les moins densément peuplées, les petits commerces périclitent.

Selon un rapport du Sénat de mars 2022, plus d'une commune sur deux ne dispose aujourd'hui d'aucun commerce.

"Les petits commerces ruraux ont fermé parce qu'ils n'étaient pas rentables par le passé", résume Anne Epaulard.

Des difficultés dont ont bien conscience les habitants de Mazangé. Mais à la question de savoir si "leur" commerce tiendra, ils se montrent optimistes : "il faut que les gens se réhabituent, cela viendra", se rassurent-ils, à l'instar de Stéphane Durand, éducateur dans une commune voisine.

Pour réduire les coûts d'exploitation, et donc les prix à la vente, l'épicerie solidaire de Mazangé s'appuiera essentiellement sur des bénévoles. Malgré cet effort, les gérantes estiment qu'il leur faudra une cinquantaine de clients par jour pour trouver l'équilibre.

- Des comportements à modifier -

"Il suffit que chaque habitant viennent deux fois dans le mois, c'est pas énorme", insiste Christine Bourdier, directrice du "Comptoir des Cocottes", association qui chapeaute l'épicerie solidaire. Mais elle l'admet: "il faut changer les habitudes" de la population.

Pour l'instant, "l'habitude", c'est de faire ses courses dans les grandes surfaces du bassin d'emplois le plus proche, Vendôme, comme le confirme le maire du village, Patrick Brionne.

"On ne peut pas avoir des gens qui vivent en ruralité, qui aiment leur territoire, et qui laissent tomber leurs commerçants de proximité", a lancé la ministre.

Mais au-delà des sermons, Olivia Grégoire affirme avoir bien conscience qu' "ouvrir [des commerces en milieu rural] c'est bien, maintenir c'est mieux".

Né en mars, le programme de "reconquête du commerce rural" ne permet pas encore le recul nécessaire pour mesurer son efficacité ni la pérennité des commerces qu'il a permis de lancer.

Anne Epaulard égraine cependant quelques critères de réussites : "il faut un bassin de population suffisamment large, des gérants très motivés, et une offre de service large, par exemple une épicerie qui fait aussi dépôt de pain, réception de colis, tabac, débit de boisson".

Dans cette optique, le cabinet d'Olivia Grégoire explique "réfléchir à un aspect d'accompagnement en compétence et en logistique" des lauréats. Un projet "impliquant également les acteurs du privé", qui ne sortira pas de terre avant le printemps prochain.

hrc/jbo/hj

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