Dans le vignoble bordelais, "bon sens" et réveil avancé pour les travaux sous canicule

Le soleil n'est pas encore levé que les ouvriers viticoles s'activent dès 06h00, profitant de la fraîcheur de l'aube, dans une parcelle de merlot de Porte-de-Benauge, en Gironde, où les températures doivent dépasser les 30°C pour la quatrième journée consécutive.

Situé à une vingtaine de kilomètres de Bordeaux, dans l'appellation Entre-deux-Mers, le domaine familial Vignobles Chaigne et Fils a basculé ses travaux des vignes en horaire estival (06h-14H) depuis le début du mois de mai.

"C'est le bon sens qui gouverne. On ne fait qu'appliquer ce que faisaient nos grands-parents, qui se levaient à l'aube pour nourrir les bêtes. Ils partaient à la sieste aux heures les plus chaudes, avant de repartir aux champs de la fin d'après-midi jusqu'au crépuscule", explique le propriétaire du château et vigneron indépendant Régis Chaigne.

- Tracteurs climatisés -

En cette matinée précaniculaire, en attendant les 37°C prévus en Gironde dans l'après-midi selon Météo-France, trois ouvriers sillonnent les rangs, sur l'herbe encore mouillée, pour planter 300 jeunes pieds de vignes, les disséminant dans une parcelle de sept hectares.

"J'ai mis le réveil à 04H00, c'est une habitude à prendre, c'est plus facile, à 14h00 max on aura fini... pour être tranquille l'après-midi avec cette chaleur", explique Gabriel Beynet, étudiant en BTS Viti-Oenologie et apprenti au château.

Mains dans la terre, debout le dos penché, le jeune homme de 20 ans réalise ces opérations physiques de "raccotage" -le fait de remplacer des vignes mortes par de nouveaux plants-, jusqu'à une première pause boissons vers 08h30, quand les premiers rayons du soleil font déjà monter le mercure au-dessus des 23°C.

"La tâche est bientôt terminée alors qu'elle était épuisante. On fait ça le matin de bonne heure, avant de basculer sur des travaux plus adaptés à la chaleur qui arrive, souvent dans des tracteurs à cabine climatisée", explique Stéphane Brouchican, chef de culture de 52 ans, et ancien ouvrier viticole de cet établissement converti en bio en 2022.

- Adaptation et système D -

Les jeunes plants en racines nues, poussés en pépinière et sortis du frigo le matin même de la plantation, doivent être ensuite rapidement arrosés, puis à nouveau dans quelques jours, car "sinon, avec la chaleur, le pied finira par mourir", met en garde M. Brouchichan.

Son équipe de trois ouvriers - un tractoriste, une saisonnière et un apprenti - sillonne ensuite les vignes, casquettes sur la tête et tuyaux en mains, derrière une cuve d'eau tirée par un tracteur... où ont été soudés deux vieux sièges de 4/4 et deux cales-pieds pour éviter des kilomètres à pied.

"Quand on été ouvrier pendant des années, on sait ce que c'est que de marcher durant des heures derrière le tracteur. Là le boulot sera fait pareil, et même mieux", sourit le chef de culture, satisfait de sa trouvaille "système D".

Alors que le soleil grimpe plus haut dans ciel, le tractoriste désigne un trou dans le métal du châssis surmonté d'une ceinture de fil de fer modulable. "Là c'est pour le mettre le parasol quand ça tapera fort, y'a pire, non?".