Dans le Grand Ouest, des entreprises au défi de la consigne du verre

Utiliser, nettoyer, réutiliser: une nouvelle usine de lavage près de Nantes ambitionne de relancer dans le Grand Ouest la filière de la consigne du verre, système "écologique d'avenir" qui cherche à convaincre entreprises et consommateurs.

Flambant neuve, l'usine Bout' à Bout' de Carquefou (Loire-Atlantique) abrite une gigantesque lessiveuse de dix mètres sur trois qui pourra à terme nettoyer 60 millions de contenants par an.

Les bouteilles, aux formats standardisés, voyagent par tapis roulant du lavage au séchage avant de passer sous l'oeil de petites caméras capables de détecter traces d'étiquettes récalcitrantes et fines éraflures.

Une centaine de producteurs du Grand Ouest, notamment brasseurs et vignerons, utilisent et réutilisent les bouteilles nettoyées par l'entreprise.

"Relancer la filière du réemploi est un choix écologique d'avenir", résume Célie Couché, fondatrice en 2016 de l'association Bout' à Bout' qui, devenue entreprise, a inauguré son usine cet automne.

Les bouteilles consignées, utilisées "vingt fois en moyenne, cinquante fois au maximum" d'après Célie Couché, génèrent 85% d'émissions de gaz à effet de serre en moins que leur équivalent à usage unique, selon l'ONG Zero Waste.

En juin, Bérangère Couillard, alors secrétaire d'Etat à l'Ecologie, avait annoncé le retour d'ici à deux ans de la consigne sur les emballages alimentaires en verre.

Le réemploi des emballages ménagers reste en France "très inférieur à 1%", avait indiqué le ministère en juin, alors que l'objectif est de parvenir à 10% d'emballages réemployés en 2027.

"Que Heineken, Andros ou Bonne-Maman passent au réutilisable, c'est ça le sujet", souligne Antoine Delaunay, directeur de l'usine Bout' à Bout' et ancien employé du géant néerlandais de la bière. "Le réemploi, ce n'est pas que le viticulteur du coin. Ce doit être un système à grande échelle."

D'autres entreprises, comme Haut la Consigne à Lille ou Oc'Consigne, près de Montpellier, entreprennent aussi dans leurs régions respectives de relancer la filière.

- Points de collecte -

A une vingtaine de kilomètres de Nantes, la brasserie artisanale Tête Haute utilise exclusivement des bouteilles réutilisables.

"C'était une évidence. Nous sommes une entreprise d'insertion pour laquelle l'impact environnemental a beaucoup d'importance", explique Anne-Sophie Thomas, chargée de communication de la brasserie.

Pour le moment, "entre 20 et 30%" des contenants reviennent à la mise en bouteille à la brasserie, selon Samuel Marzelière, son cofondateur.

"C'est un pari d'avenir: les bouteilles réutilisables neuves, plus épaisses pour résister aux lavages multiples, sont en moyenne plus chères que les bouteilles à usage unique. On ne s'y retrouvait pas, mais les volumes augmentent, donc on va rentrer dans nos frais à partir de maintenant", précise-t-il.

Pour que la filière tourne, les consommateurs ont un rôle primordial: s'ils ne rapportent pas les contenants, leur cycle de vie s'arrête.

Dans la région, Bout' à Bout' compte environ deux cents points de collecte - grandes surfaces, Biocoop ou petits producteurs - et en vise "1.000 à l'horizon 2025".

Le taux de retour varie cependant fortement d'un lieu à l'autre, observe Célie Couché.

"Dans une Biocoop par exemple, où les clients sont déjà sensibilisés, on peut enregistrer jusqu'à 80% de retours. Dans certains hypermarchés, on est plutôt autour de 10%, parce que les clients ne sont pas forcément au courant", détaille-t-elle.

Toutes les bouteilles réutilisables arborent le même pictogramme, mais "encore faut-il le savoir".

- Bon d'achat -

Tout près de l'usine, le Super U de Carquefou a installé à son entrée un automate estampillé Bout' à Bout', qui permet aux clients de rapporter bouteilles de bière et de jus.

Dans les rayons, une étiquette vert fluorescent signale les produits concernés.

Françoise, 75 ans, qui n'a pas souhaité donner son nom de famille, a changé de marque de jus de fruit pour pouvoir rendre ses bouteilles. "Question d'écologie", dit-elle.

"On a installé l'automate en mars. Le premier mois, on a eu 73 retours. Aujourd'hui, c'est entre 800 et 900 contenants par mois", signale Yoann Ravard, directeur du magasin.

Pour chaque contenant rapporté, les clients obtiennent un bon d'achat de deux centimes dans le magasin de retour.

"Dérisoire", note Françoise. Mais "quand même incitatif", défend Célie Couché, qui prévoit d'augmenter la consigne "à mesure de l'ampleur" que prendra l'entreprise.