"Être pauvre à la campagne, c'est pas plus facile qu'en ville, c'est l'enfer", juge un bénéficiaire des Restos du coeur: dans l'Aude, département parmi les plus pauvres de France, ceux qui vivent sous le seuil de pauvreté s'en sortent en réduisant "tout drastiquement".
Sur la petite place du village de Rieux-Minervois (Aude), ils sont une quinzaine, numéro à la main, à attendre en plaisantant de pouvoir rentrer dans les locaux un peu vétustes des Restos du coeur.
Pâtes, riz, conserves etc... les 60 bénéficiaires de ce centre pourront repartir avec le minimum vital.
Comme beaucoup de ruraux, Denis Ristretto arrive à s'en sortir grâce à cette aide et son "gros potager". Un atout qui fait souvent penser que la pauvreté se vit mieux au vert qu'en ville.
"C'est faux, c'est un cliché ! Être pauvre à la campagne, c'est pas plus facile qu'en ville, c'est l'enfer !", s'insurge le retraité. "De chez moi, si je veux aller à la CAF, il faut faire 150km. Vous imaginez le prix de ce trajet ?".
"Les frais d'essence, l'assurance, le parking, tout a un coût : l'éloignement fait qu'il est plus difficile d'être pauvre à la campagne", renchérit Solène Dupont, vivant avec 660 euros de chômage par mois, vite envolés dans son loyer de 550 euros.
Avec des trémolos dans la voix, cette mère dont le nom a été changé raconte sa "descente aux enfers". Une maladie pulmonaire et un divorce l'ont forcé à abandonner son ancienne "vie de cadre sup" pour "tout réduire drastiquement".
"Toute ma relation à la culture a changé: avant j'allais souvent au théâtre, au cinéma. Maintenant je sais que venir à Carcassonne, c'est 8 euros d'essence: avec le prix du billet, c'est inabordable !", explique cette bénéficiaire de "L'épicerie solidaire".
- "Ne plus regarder la péremption" -
Pour remédier à cet éloignement, l'association a mis en place un camion qui traverse les vignobles audois et dessert trois zones rurales du département.
On peut y trouver des produits, souvent de qualité - comme des marques ou des légumes bio - vendus à environ 30% de leur prix en magasin. Contrairement aux Restos du Coeur, où les aliments et vêtements sont donnés.
"Ça nous permet de faire 500EUR d'économie par mois et de garder la tête au dessus de l'eau", affirme Sylvain Rigoulot, conducteur routier de 53 ans pour qui c'est "important de payer". "Ici on n'a pas l'impression de mendier, on a un budget, on choisit, on fait vraiment nos courses quoi !", renchérit sa femme Géraldine, 45 ans.
"On a essayé de gratter déjà sur l'électricité, les assurance, les fringues. Puis on a arrêté les loisirs: exit cinéma, vacances et les glaces !".
La famille vit désormais "différemment". "On a appris à ne plus trop regarder les dates de péremption. Avant, si le yaourt était périmé d'un jour c'était poubelle, maintenant on le mange même une semaine après", indique Sylvain.
Révoltée par le manque d'infrastructures, Mme Rigoulot estime elle aussi être "plus +short+ à la campagne" que si elle habitait en ville, où "il y a le médecin, le boulot".
"Le pire, c'est la taxe foncière ! Pour nous c'est 470 euros par mois !", s'indigne celle qui, pourtant, ne retournerait en ville "pour rien au monde".
A l'ombre de la petite église de Rieux-Minervois, le constat est unanime: dans les villages, il y a davantage de "lien social", "tout le monde se connait". Une jeune mère au RSA arbore fièrement une robe à fleur, "donnée par une amie" et des chaussures "trouvées aux Restos" : l'assistance applaudit.
"On a la nature, les balades : ça fait quelques loisirs gratuits", concède Denis Ristretto. "Et le soleil nous permet de garder le sourire !".