Dans la tech, les femmes se battent encore pour la parité

Les femmes restent largement sous-représentées dans le secteur technologique et les start-up, où les fondatrices d'entreprises se heurtent encore souvent à des comportements discriminatoires quand elles cherchent des investisseurs.

"Notre première levée de fonds", quelques centaines de milliers d'euros obtenus auprès de "business angels", des investisseurs privés, "s'est très bien passée", a ainsi témoigné jeudi Béatrice Gherara, cofondatrice de la plateforme de formation en ligne Kokoroe.

Mais une fois lancée commercialement, lorsque l'entreprise a voulu refaire une levée plus importante auprès de fonds d'investissement, "on a été confrontées à des questions indiscrètes", comme "la +roadmap+ (programme) de nos grossesses", a-t-elle poursuivi lors d'une table ronde organisée avec le secrétaire d'Etat au numérique Cédric O.

"Sur huit fonds de la place, six ont eu ce genre de réaction, venant d'hommes ou de femmes d'ailleurs", a-t-elle poursuivi. "Du coup on a arrêté de chercher des fonds, et on a auto-financé notre croissance."

Mme Gherara a installé son entreprise dans la pépinière parisienne de jeunes pousses Willa, qui promeut la mixité et où d'autres femmes entrepreneuses confirment une différence de traitement par le milieu professionnel.

"Tu crois que tu vas échapper" aux questions sur la vie privée et les enfants "en créant ta propre boîte, et finalement tu te retrouves dans la même situation", souligne Sarah Martineau, mathématicienne et co-fondatrice de Ideta, une société qui travaille sur les assistants virtuels.

"On pose aux femmes des questions sur les risques de leur activité, et aux hommes des questions sur le potentiel de leur activité", renchérit une autre entrepreneuse.

Selon une récente étude du Boston Consulting Group, sur le montant total des fonds levés depuis 2008 par des start-up françaises, celles fondées par des femmes n'ont obtenu que 2% des financements, tandis que celles créées par des hommes en recueillaient 89%. Le reste (9%) a été attribué à des sociétés mixtes, où des femmes figurent parmi les fondateurs.

- Charte de bonnes pratiques -

Pour tenter de faire avancer les choses, le collectif Sista, qui promeut l'investissement dans les entreprises dirigées par des femmes, a rédigé une charte de bonnes pratiques à destination des fonds qui investissent dans les jeunes pousses, présentée officiellement jeudi à Bercy.

Cette "charte d'engagement pour favoriser la mixité dans le numérique" est une sorte de boîte à outils pour "dépasser les biais inconscients", selon la secrétaire générale de Sista, Valentine de Lasteyrie.

Les fonds d'investissement s'y obligent notamment à afficher le montant des investissements faits dans des start-up mixtes ou féminines, ou bien à faire plus de place à des femmes parmi leurs cadres dirigeants.

"J'ai passé quelques coups de fil pour rattraper des récalcitrants", a affirmé jeudi Cédric O aux entrepreneuses de Willa.

Bpifrance, la filiale de la Caisse des dépôts qui co-finance bon nombre de ces fonds, "donnera ses propres chiffres et demandera aux fonds de les publier (...) Ceux-ci devront rendre des comptes", a-t-il assuré.

Mais le secrétaire d'Etat a aussi convenu que le problème de la sous-représentation des femmes dans la tech dépassait très largement la responsabilité des fonds d'investissement.

"C'est aussi un sujet d'éducation", et de modèles donnés aux enfants pour se projeter dans l'avenir, a-t-il expliqué.

Et là, la route est encore longue. Selon une note du ministère de la Recherche de juin 2019, les femmes ne représentaient que 27,9% des effectifs des écoles d'ingénieurs en 2018, contre 27,3% en 2013.

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