Venus manifester samedi à Paris à l'appel de la CGT, militants et sympathisants de l'organisation se reconnaissent des "revendications communes" avec les "gilets jaunes", mais ne voient pas se profiler la "convergence des luttes" prônée par le syndicat.
Si près de la place de l'Etoile, mais si loin de son atmosphère insurrectionnelle, plus d'un millier de manifestants se sont retrouvés place de la République en début d'après-midi, avant de s'élancer vers la Gare de Lyon.
Dans le cortège se mêlent gilets rouges, blancs et jaunes, presque tous siglés du logo de la CGT, qui organise sa traditionnelle mobilisation pour soutenir les chômeurs, rejointe par la FSU, le NPA ou encore Lutte ouvrière.
La banderole de tête réclame le "droit au travail et à un revenu de remplacement pour tous les privés d'emploi", les slogans scandent "travail, logement, dignité", mais aussi "face au chômage et la misère, organise ta colère".
Comme un message aux "gilets jaunes", dont le rassemblement a de nouveau été émaillé d'affrontements avec les forces de l'ordre, plus nombreux encore que la semaine dernière.
"Ca fait peur aux gens de manifester quand on voit de telles violences", déplore le secrétaire général de la CGT, Philippe Martinez, qui assure que "les gens sont en colère, mais ne vont pas défiler pour se faire gazer et taper dessus"
Ce que confirment plusieurs militants CGT interrogés par l'AFP. Comme Florence Ruau, éducatrice spécialisée: "Je voulais manifester avec les gilets jaunes, mais je ne voulais pas me retrouver avec les casseurs", qui sont "envoyés par le gouvernement ou les extrêmes pour foutre la merde et détruire le mouvement".
Quelques "gilets jaunes" sont également venus "parce qu'ici c'est sécurisé" alors qu'"aux Champs-Élysées, c'était un peu le carnage", raconte Thierry Renaud, 24 ans, qui vit dans les Ardennes et travaille en Belgique.
- "on pourrait les aider" -
Mais entre "gilets jaunes" et syndicats, la défiance est réciproque. "Leur colère est légitime, mais tant qu'il y aura des expressions d'extrême droite ou d'homophobie de leur côté, il n'est pas question que je défile avec eux", tranche Frédéric Moreau, professeur dans un lycée professionnel de l'Essonne.
Le mouvement des gilets jaunes, "je vois ça comme une éponge qui absorbe plusieurs colères. Derrière ce symbole, il y a des petits patrons qui militent pour la fin des taxes. Je ne soutiendrai pas en bloc quelque chose qui n'est pas un bloc", explique Clément, 26 ans, salarié d'un centre d'appels dans le Rhône.
Conseillère en assurance et secrétaire départementale de la CGT dans l'Aube, Sylvie Gâteau se dit pour sa part "étonnée d'entendre des +gilets jaunes+ qui disent manifester pour la première fois à plus de 50 ans. Comment ont-ils fait pour supporter ça pendant des années ?".
Plus indulgente, Marie-Noëlle, 62 ans et aide ménagère, se trouve "des revendications communes avec les gilets jaunes" et précise être "concernée aussi pour l'essence".
"Je n'ai rien contre eux. On pourrait les aider mais ils ne veulent pas être récupérés", regrette-t-elle, avant de lancer, pessimiste: "Je ne pense pas qu'on aura une unité complète. Il faudrait déjà que tous les syndicats se mettent d'accord ensemble."
Du côté des "gilets jaunes", Benjamin, chômeur de 24 ans en train de créer son entreprise, reconnaît qu'"on se bat pour la même chose", mais estime que "le souci avec les étiquettes, comme celle de la CGT, c'est que tu fais partie de quelque chose et ça t'enferme, alors que les syndicats pourraient s'ouvrir".
Marc, 65 ans et retraité d'Air France, renvoie la responsabilité aux militants CGT qui "ne veulent pas se mêler aux gilets jaunes".
Et revendique son indépendance: "On est venus ici parce qu'il n'y avait pas d'accès aux Champs-Élysées. On va n'importe où dans Paris. Personne ne nous dit où on doit aller, on n'est pas comme à la CGT".