C'est l'engin-roi des orpailleurs clandestins brésiliens en forêt guyanaise, sans lequel tout s'arrête : le quad japonais, bête de somme des temps modernes.
Quatre roues à crampons, un puissant moteur 500cc quatre temps, cadre et porte-bagage renforcés pour porter des charges ahurissantes, par tout temps ou presque, le long de pistes qu'on ose à peine emprunter à pied.
"Leur modèle de prédilection, c'est le Honda Foreman", montre à l'AFP le capitaine Charles (conformément aux ordres, il ne donne que son prénom), chef de section au sein du 9ème Régiment d'infanterie de Marine (Rima), basé à Saint-Jean-du-Maroni et spécialisé dans la lutte contre l'orpaillage illégal.
Devant lui, deux engins saisis et rétrocédés par la justice française aux soldats et aux gendarmes. Le frein arrière, inutile dans la boue, a été enlevé. Pour mieux porter les charges, un troisième amortisseur a été ajouté à l'arrière. Les porte-bagages artisanaux sont renforcés.
"J'ai vu des quads porter sept bidons de 60 litres de diesel, plus du matériel" ajoute l'officier. "Parfois les pistes s'enfoncent dans la boue à la hauteur d'un homme, les bras en l'air".
Dans la zone aurifère, les pistes à quads partent en tous sens depuis le "dégrad", point d'accostage des pirogues. Pour passer les rivières, des ponts de rondins qu'un piéton franchit avec peine. Les quadistes sont tous Brésiliens, des petits gabarits passés maîtres dans l'art du pilotage.
A leur service, par endroits, des cantonniers de la jungle : ils ouvrent et entretiennent certaines pistes, barrées par des chaînes. Pour prendre le raccourcis le péage est de deux grammes. C'est çà ou deux jours de marche sur les layons, les sentiers pour piétons.
"Le quadiste peut être dangereux", précise le capitaine Charles. "S'il transporte de l'or, ou pour sauver le quad qui lui appartient, il va tenter de passer en force. Ils sont souvent armés. En février dernier, un gendarme a tiré en légitime défense, l'a arrêté d'une balle dans le ventre".
Comme tout le reste du matériel pour garimpeiros, les quads s'achètent et s'entretiennent sur la rive surinamienne du Maroni, à des commerçants chinois qui financent les ateliers de préparation des engins.
Prix d'un Honda modifié "spécial garimp": 400 grammes d'or, soit environ 12.000 euros.
La semaine dernière, une patrouille du 9ème Rima et de la gendarmerie a aperçu, sur un "dégrad" côté français, un quad illégal. Il a filé dès qu'il a entendu le moteur hors-bord.
"Deux de mes gars sont partis à sa poursuite, au pas de course", sourit le capitaine Martin, lui aussi du 9ème RIMA. "Ils auraient pu l'attraper, s'il avait coincé dans une côte. Mais ils étaient trois, on a vu leurs traces de bottes, ils poussaient dans les montées. Sur un secteur plat, il a filé. Celui-là, il est coincé dans ce secteur, on l'aura..."