Cyclone: les secours s'activent à Mayotte, meurtri et qui manque de tout

Bidonvilles détruits, population exsangue, télécommunications coupées: le passage meurtrier du cyclone Chido a laissé place à la sidération et aux scènes de désolation à Mayotte, où tout manque et où les secours s'organisent pour retrouver des survivants dans les décombres.

Avec les pénuries d'eau qui s'annoncent sur l'archipel français de l'océan Indien, dont certaines zones restent inaccessibles, "les pillages, c'est ce que tout le monde craint, surtout les gens dont les maisons sont éventrées", a confié à l'AFP quarante-huit heures après le passage du cyclone Tanya Sam Ming, habitante de la périphérie de Mamoudzou, chef-lieu du département le plus pauvre de France.

Les ministres démissionnaires de l'Intérieur et des Outre-mer Bruno Retailleau et François-Noël Buffet, ainsi que leur collègue mahorais Thani Mohamed Soilihi (Francophonie) se sont rendus lundi à Mayotte, où les autorités redoutent "plusieurs centaines" de morts, peut-être "quelques milliers".

"Le bilan, il va falloir des jours et des jours pour en avoir un", a averti Bruno Retailleau.

Le décompte est compliqué par le fait que Mayotte est une terre de forte tradition musulmane et que, selon les rites de l'islam, de nombreux défunts ont vraisemblablement été enterrés dans les 24 heures suivant leur décès.

- "Bidonvilles couchés" -

"Tous les bidonvilles sont couchés, ce qui laisse augurer un nombre considérable de victimes", a commenté auprès de l'AFP une source proche des autorités. Mayotte compte officiellement 320.000 habitants, "mais on estime qu'il y a 100.000 à 200.000 personnes de plus, compte tenu de l'immigration illégale", a ajouté cette source, qui estime que peu d'habitants en situation irrégulière ont rejoint les centres d'hébergement avant le passage du cyclone, "sans doute de peur d'être contrôlés".

Emmanuel Macron a présidé une réunion au centre de crise du ministère de l'Intérieur lundi à 18H00. Le Premier ministre François Bayrou, à Pau pour le conseil municipal, a suivi la réunion interministérielle à distance.

Devant les députés, le ministre démissionnaire de l'Economie Antoine Armand s'est, lui, engagé à présenter des mesures "pour assurer la continuité de l'Etat et venir en aide le plus vite possible" aux Mahorais.

"Le secteur des télécoms est lourdement impacté par la tempête", avec une grande partie de l'archipel sans réseau pourtant "prioritaire pour permettre la sécurité et la reprise économique", a déploré le ministre démissionnaire de l'Industrie, Marc Ferracci.

De "nombreuses entreprises ont subi des dégâts catastrophiques", s'inquiète également le Medef, évoquant des "pertes financières significatives" pour certaines alors que d'autres sont "en proie au pillage".

- Chido a foncé "droit dessus" -

Avec des rafales de vent à plus de 220 km/h, le cyclone - le plus intense qu'ait connu Mayotte depuis 90 ans - a ravagé samedi le territoire où environ un tiers de la population vit dans de l'habitat précaire, totalement détruit.

Chido a probablement été favorisé par des eaux de surface proches de 30°C, ce qui fournit plus d'énergie aux tempêtes, un phénomène de réchauffement climatique déjà observé ailleurs cet automne. L'impact a surtout été exceptionnel à Mayotte parce que le cyclone lui "fonçait droit dessus", explique à l'AFP le spécialiste du phénomène chez Météo-France, Sébastien Langlade.

Résultat, "on est complètement coupé du monde", témoigne Antoy Abdallah, un habitant de Tsoundzou. "On commence à manquer d'eau. Dans le sud, il n'y a plus d'eau courante depuis cinq jours", se désole l'homme de 34 ans.

La situation du système de soins est "très dégradée" avec un hôpital "très endommagé" et des centres médicaux "inopérants", a de son côté déclaré la ministre démissionnaire de la Santé, Geneviève Darrieussecq.

Un pont aérien et maritime est déployé depuis l'île de La Réunion, territoire français distant de 1.400 km, pour acheminer matériel et personnels médicaux.

Un total de 800 personnels de la sécurité civile sont envoyés en renfort, avec un hôpital de campagne. Un deuxième détachement de 150 sapeurs-pompiers et sapeurs-sauveteurs ont rallié l'archipel lundi soir, selon la sécurité civile.

EDF a aussi envoyé des renforts pour rétablir l'accès au courant et reconstruire le réseau élecrique.

- 20 tonnes de matériel -

Selon la Croix-Rouge française, 20 tonnes de matériel sont également en cours d'acheminement.

Le dispositif de soutien s'appuie en outre sur trois avions et deux navires militaires, selon l'état-major des armées.

Les secouristes s'attendent à trouver de nombreuses victimes dans les décombres des bidonvilles très peuplés, notamment dans les hauteurs de Mamoudzou.

Selon Florent Vallée, de la Croix-Rouge française, "des familles entières" et "beaucoup d'enfants mineurs seuls" et "délaissés" vivent dans les bangas, ces petites maisons traditionnelles désormais détruites.

L'Union des Comores, pays voisin de Mayotte, a décrété une semaine de deuil national, alors que près de la moitié de la population officielle du territoire français en est originaire. Une minute de silence a été observée à l'Assemblée nationale et au Parlement européen.

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