"Carnage", "chaos", "soif et faim": des habitants de Mayotte ont décrit dimanche à l'AFP l'ampleur de la désolation semée par le cyclone Chido, redoutant un lourd bilan humain dans cet archipel français de l'océan Indien où les routes et les communications sont largement coupées.
- Ousseni Balahachi, à Mamoudzou -
"C'est un carnage. Le tribunal, la préfecture, beaucoup de services, de commerces, des écoles sont à terre", raconte cet infirmier à la retraite depuis un mois.
Le centre hospitalier de Mamoudzou, la capitale, a vu ses "toitures arrachées" et ses services "inondés", en particulier celui des urgences. L'infirmier craint que l'hôpital, qui manque "cruellement de personnel", ne puisse "accueillir et soigner dans de bonnes conditions" les blessés.
"Tout est coupé, les liaisons téléphoniques, WhatsApp, Facebook, les liaisons électriques, les routes... On ne peut pas avoir des nouvelles des gens qui sont au sud, au centre, ni au nord, ni en Petite-Terre (la petite île en face de Mamoudzou, NDLR)", déplore Ousseni Balahachi.
Il redoute un bilan humain "vraiment lourd". "La préfecture avait dit que tous ceux qui vivaient dans les bidonvilles devaient venir se réfugier dans des bâtiments prévus pour les accueillir. Mais un bon nombre a refusé en pensant que ce serait un piège qu'on leur tendait pour les conduire hors des frontières", car ils sont étrangers en situation irrégulière.
"Ces gens-là sont restés jusqu'à la dernière minute et quand ils ont vu l'intensité du cyclone, ils ont cherché à se réfugier. Mais c'était trop tard".
- Ambdilwahedou Soumaila, maire de Mamoudzou -
L'élu a découvert des "scène de chaos" dans sa ville où "rien n'a été épargné" par le passage du cyclone.
"Les équipes sont sur le pont depuis ce matin pour déblayer l'hyper-centre, enlever les arbres des routes. Sept villages du Grand-Mamoudzou ne sont toujours pas accessibles. Au nord, on ne peut pas accéder à Haut-Vallons".
Environ 6.000 personnes ont rejoint les centres d'hébergement qui comptent quelque 10.000 places, a précisé le maire. "On a mobilisé 300 agents et le centre d'action sociale", avec pour mission d'apporter "de l'eau et de la nourriture à ces familles qui n'ont plus de toit".
- Ibrahim Mcolo, à Kangani -
"La priorité aujourd'hui est d'avoir des nouvelles de mes proches", témoigne cet habitant de Chiconi (ouest) venu se réfugier dans sa famille à Kangani, dans le nord de Grande-Terre.
Il a tenté de rejoindre l'ouest de l'île dimanche matin, en déblayant les axes au fur et à mesure, et s'est retrouvé dans un "décor apocalyptique".
"Seules quelques maisons en dur ont tenu. Il ne reste rien des bidonvilles. Même les plus grosses entreprises ont subi des dégâts. Il faut tout reconstruire".
- Frédéric Belanger, à Mamoudzou -
"Dehors, tout est ravagé. Les +bangas+ (cases souvent en tôles, NDLR) sont déchiquetés. Les gens reconstruisent avec des tôles pliées, des bouts de bois cassés", se désole cet habitant de Mgombani, un quartier de Mamoudzou où il vit avec sa femme et sa fille.
Son appartement a tenu mais celui du dessus n'a plus de toit. "Il y a des fuites partout. On n'a pas d'eau courante, pas d'électricité. "Il n'y a pas le minimum vital, on est très inquiets", confie Frédéric Belanger, 52 ans, qui travaille dans l'entreprise de BTP Colas.
"Les arbres sont déchiquetés, déracinés, des baobabs sont tombés, il n'y a plus un manguier avec des feuilles ou des fruits, plus un fruit à pain", déplore-t-il, décrivant aussi des scènes de "pillages un peu partout" et des "affrontements entre bandes".
Colas Mayotte l'a réquisitionné pour déblayer les routes et acheminer ce qui arrive en avion de Petite-Terre vers Grande-Terre avec une petite barge qui peut contenir quatre camions. "Tout va prendre du temps... On ne peut pas circuler, toutes les routes sont barrées, on ne se déplace qu'à pied".
- Lucas Duchaufour, à Labattoir -
Quand il est sorti de chez lui après le passage du cyclone, ce kinésithérapeute de Labattoir, une commune de Petite-Terre, ne "reconnaissait plus rien". "On avait complètement sous-estimé l'impact du cyclone".
Dans sa maison, où il faut "tout nettoyer", il a fait des réserves d'eau de pluie qu'il filtre. Mais "certains voisins ont déjà soif et faim" et la "moitié du quartier n'a pas à manger", s'alarme Lucas Duchaufour.