Crise de l'eau à Mayotte: les entreprises trinquent aussi

A Mayotte, des entreprises et services envisagent de fermer temporairement ou partiellement par manque d'eau. "On n'a pas le choix", souffle la gérante d'un restaurant qui ne sera plus alimenté qu'un jour sur trois à partir de lundi.

Devant une vue à 180 degrés sur la baie de Chiconi, dans l'ouest de Grande-Terre, Amidati Nahouda commence les préparations de ses salades depuis les cuisines de "L'Escale".

"Quand il n'y aura pas d'eau pendant quarante-huit heures, on fermera. On ne va pas travailler sans eau, on n'a pas le choix", confie la gérante, qui a déjà réduit ses effectifs.

Son restaurant - comme tous les bâtiments alimentés par le réseau d'eau en dehors de Mamoudzou et de Petite-Terre - subit des coupures de vingt-quatre heures trois fois par semaine. Mais à compter du 4 septembre, l'établissement n'aura plus accès à l'eau courante qu'un jour sur trois.

Car l'archipel français de l'océan Indien ne parvient plus à répondre aux besoins de sa population - 300.000 habitants selon l'Insee, plus selon des estimations tenant compte de sans-papiers venus principalement des Comores voisines.

La consommation d'eau s'établit désormais à environ 40.000 m3, quand les infrastructures n'en produisent pas plus de 38.000. Et ce alors qu'une forte sécheresse, inédite depuis 1997 selon les autorités, empêche les retenues collinaires - qui assurent 80 % de l'approvisionnement en eau avec les rivières - de se recharger correctement.

Pour Amidati Nahouda, la situation était déjà compliquée avec des coupures de vingt-quatre heures.

"On a de l'eau dans des cuvettes pour laver les verres, mais la plupart de la vaisselle est stockée en attendant que l'eau revienne. On ne peut pas non plus laver les torchons... Et lorsque les clients veulent aller aux toilettes, ils ne peuvent pas tirer la chasse d'eau", regrette-t-elle, "on manque d'hygiène".

- "Absentéisme" -

Les Apprentis d'Auteuil, deuxième plus grosse association de Mayotte, doivent également revoir leur organisation.

"Nous accompagnons 3.000 jeunes par an sur 22 sites. Mais aujourd'hui, c'est très compliqué de les accueillir correctement. Donc nous organisons des rotations, des fermetures partielles, l'après-midi", indique Camille Déchin, responsable du développement de cette association qui développe des centres de formation.

Dans le chef-lieu Mamoudzou, où est basée l'association, la préfecture a fait le choix de conserver des coupures quotidiennes de 16h00 à 8h00 du matin et de les intensifier le week-end, avec trente-six heures de coupure consécutives à compter du 4 septembre. Ceci afin de "préserver l'activité économique", selon le préfet Thierry Suquet.

Les salariés de l'association aménagent donc leurs horaires pour pouvoir aller faire des réserves chez eux lorsque l'eau revient. "Sur les différents sites, situés un peu partout sur l'île, on s'équipe de récupérateurs d'eau et on se prépare à un gros taux d'absentéisme, on sait que les risques épidémiques sont nombreux", poursuit Camille Déchin.

Les jeunes accompagnés sont "fatigués et inquiets", note-t-elle. "La plupart n'ont pas l'eau courante chez eux, ils s'alimentent à des bornes-fontaines monétiques. Ils vont faire la queue, porter des bidons de 20 litres en espérant que leur famille tienne pendant les quarante-huit heures de coupure".

Dans le secteur du bâtiment, un des principaux consommateurs d'eau, l'activité est moins perturbée mais l'heure est à l'économie.

"Nous consommons environ 500 m3 par jour", indique Julian Champiat, président de la fédération mahoraise du BTP, qui représente 2 500 salariés.

"L'objectif est progressivement de se détacher du réseau d'eau potable en s'approvisionnant via des forages d'eau non potable", annonce-t-il. D'ici fin septembre, la fédération espère couvrir ainsi 20% de ses besoins.

Pour l'instant, la filière parvient à fonctionner normalement et aucun report d'activité n'est prévu.

"Toutes les entreprises ont leur carnet de commandes rempli et recrutent", indique le président de la fédération, qui y voit "les fruits" du "plan de convergence" finançant la construction de logements sociaux, d'établissements scolaires et du futur réseau de transport collectif Caribus.

Mais "s'il y a une rupture d'activité, même de quelques mois, cela mettra en péril tous ces chantiers", s'alarme Julien Champiat.

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