"Ça va être terrible de dire non": à Bordeaux, des bénévoles des Restos du Coeur s'inquiètent d'avoir à refuser des demandes d'aide cet hiver en raison des difficultés financières de l'association.
Ici comme ailleurs, le nombre de bénéficiaires a fortement augmenté. "En Gironde, c'est 23% de familles qui sont accueillies en plus, c'est exceptionnel!", souligne Françoise Casadebaig, présidente de l'association dans le département. "On a beaucoup de personnes qu'on voit pour la première fois."
Les profils des nouveaux arrivants sont divers, "femmes isolées, étudiants, étrangers ou personnes vivant en foyer", détaille Marie-Hélène, bénévole de 66 ans dans une antenne du sud de la ville.
Dans une autre, plus au nord, une femme de 31 ans, arrivée d'Iran, est inscrite depuis quatre mois. Etudiante en langues, elle dispose d'un budget mensuel de 450 euros: après avoir payé toutes ses charges, il ne lui reste que 50 euros pour se nourrir.
"Les Restos, cela m'aide beaucoup dans mon budget", explique-t-elle à l'AFP, préférant rester anonyme.
Dans une autre antenne qui accueille les parents d'enfants en bas âge, une mère de famille nombreuse franchit la porte avec une poussette. Âgée de 45 ans, elle raconte qu'elle cumule deux emplois à mi-temps - agent de nettoyage et dame de cantine - pour subvenir aux besoins de ses six enfants et de son mari, qui suit actuellement une formation après une période de chômage.
L'aide des Restos et d'autres associations lui ont permis de faire face à l'inflation, une période "très compliquée", confie-t-elle en prenant des paquets de couches. "Grâce à eux, je trouve tout ce dont j'ai besoin." Même de l'aide pour trouver une place en crèche.
- Une distribution menacée -
Mais l'afflux de demandeurs, combinée à la hausse des prix, ont plongé les finances des Restos dans le rouge, a alerté dimanche Patrice Douret, le président national de l'association, qui assure 35% de l'aide alimentaire en France. Les promesses de soutien se sont multipliées cette semaine après son appel aux dons.
Si les deux-tiers des denrées distribuées par l'association proviennent de dons, "le reste est acheté" et sujet à l'inflation, explique Christiane, autre bénévole bordelaise. Autre difficulté, les "ramassages" sont en déclin: "On reçoit moins d'invendus des supermarchés depuis la création des paniers anti-gaspi", ajoute Marie-Hélène.
Face à ces contraintes, toutes deux s'inquiètent des mois à venir. "On va refuser des gens et donner moins aux autres, ça va être terrible de dire non en tant que bénévole."
D'ordinaire, le barème d'éligibilité aux aides de l'association s'assouplit en fin d'année afin d'accueillir plus de personnes durant l'hiver. Mais faute de moyens, les critères d'admission estivaux risquent d'être maintenus cette année, au détriment des bénéficiaires, explique-t-on.
Les personnes seules disposent actuellement de neuf points par semaine et par type de denrées pour s'approvisionner mais dès cet hiver, ils pourraient n'en avoir plus que sept et manquer d'un point, par exemple, le paquet de pâtes d'un kilo - ils devront se contenter de 500 grammes.
Quant aux familles, elles pourraient perdre un tiers de leur quota habituel, "avec quatre points attribués par personne, au lieu de six", redoute Christiane.
En attendant que la situation financière des Restos s'améliore - ou pas, une collecte exceptionnelle sera organisée le 30 septembre en Gironde pour abonder les stocks.
"Ce sera la seule qu'on fera, il faut en laisser aux autres associations et ne pas essouffler les donateurs qui subissent aussi l'inflation", souligne la présidente départementale.