Coronavirus: pour la gauche, l'opportunité historique d'un "monde meilleur"

"Nous ne voulons pas d'un retour à leur normalité": représentants de gauche, écologistes et ONG altermondialistes se saisissent de la crise mondiale du coronavirus pour asseoir leur idée d'un grand changement des politiques publiques.

De l'origine supposée du virus à sa vitesse de propagation en passant par les pénuries de masques, de tests et de lits en réanimation, les contempteurs de la mondialisation libérale s'estiment réarmés idéologiquement et le font savoir.

Pour le chef des Insoumis Jean-Luc Mélenchon, d'un mal peut venir un bien car une opportunité historique est offerte. "Au moins rendez ce qui leur revient à ceux qui disaient depuis le début: l'affaiblissement de l'Etat, l'effondrement du service public finiront par coûter cher", a-t-il demandé mardi sur France info.

Celui qui avant la crise prêchait déjà pour un "nouveau collectivisme" face au péril écologique estime que "le monde d'après commence chez les braves gens dès maintenant" et que les décideurs publics doivent se mettre au diapason en optant pour la "planification".

Les prises de paroles récentes d'Emmanuel Macron lui-même ont légitimé les discours tenus par une partie de la gauche. Le président de la République a loué "l'Etat-providence", la "santé gratuite sans condition de revenus" et d'une manière générale "des biens et services qui doivent être placés en dehors des lois du marché", annonçant des "décisions de rupture" qu'il "assumera".

L'ONG altermondialiste Attac ne s'y est pas trompée, elle qui a publié lundi une note sur "le monde d'après": "A cette crise du coronavirus doit succéder une révolution écologique et sociale, passant par une rupture avec les politiques passées", écrivent ainsi ses co-auteurs Aurélie Trouvé, Maxime Combes et Julien Rivoire.

Dans leur viseur, le capitalisme financier mondialisé: "Il est urgent de désarmer cette formidable machine qui réchauffe la planète, fait s'effondrer la biodiversité, aggrave la précarité et les inégalités et met à mal la démocratie".

A l'échelle française, ils proposent de rétablir l'ISF ou encore la suppression du CICE à destination des entreprises. "Nos vies avant leurs profits: ce slogan n'a jamais été autant d'actualité", se réjouit le porte-parole du Nouveau Parti anticapitaliste (NPA) Olivier Besancenot dans Society.

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La sphère écologiste est aussi en ébullition. Nombreux sont ceux qui espèrent que la conscience d'une nécessaire coordination au niveau mondial soit une base pour progresser dans la lutte contre le réchauffement climatique.

"L'épidémie révèle les fragilités du modèle de mondialisation effrénée", affirme le secrétaire national d'EELV Julien Bayou à l'AFP.

Il confie que son parti prépare pour avril un projet de "relance par la demande" à partir de septembre: "Elle doit être coordonnée au niveau européen et se concentrer sur les activités essentielles et les services publics".

Des milliards d'euros débloqués, des réponses rapides: face au coronavirus, "on sait faire" et la leçon devra être retenue sur le front écologique, avait d'ailleurs constaté le 11 mars Corinne Le Quéré, présidente du Haut conseil pour le climat (HCC), instance indépendante mise en place par Emmanuel Macron en 2018.

Mais pour le président de l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), Xavier Ragot, "la possibilité existe d'une éclipse de la question environnementale du fait de la question sociale", qui va se poser avec acuité quand la crise économique prendra le relais de la crise sanitaire.

L'immobilisme guette après chaque crise, alerte de son côté Cécile Marchand, chargée de campagne climat et acteurs publics aux Amis de la Terre, citant par exemple le sauvetage du secteur aérien sans imposer de réduction du trafic, "qui viendrait renforcer un peu plus le système nocif à l'origine de la crise".

Nul doute, "le monde va changer à un point qu'on n'imagine pas", pense Xavier Ragot. Mais peut-être davantage au profit des droites nationalistes autoritaires qu'à celui des gauches, analyse l'économiste. En effet selon lui, "la crise a accentué les tendances de fin de la mondialisation" constatées dans les victoires de Donald Trump aux Etats-Unis et Jair Bolsonaro au Brésil, la prééminence de Viktor Orban en Hongrie ou encore la force de Marine Le Pen en France.