Création de nouveaux habitats, formation du personnel médico-social à la diversité: de premières initiatives pour lutter contre l'isolement des seniors LGBT+ et leur éventuel "retour au placard" voient le jour en France, souvent portées par des associations.
"En dépit de l'évolution positive des droits et des mentalités, on constate qu'il manque d'espaces sécurisés et bienveillants pour les seniors LGBT, qui se replient sur eux-mêmes par peur d'être jugés ou stigmatisés", observe auprès de l'AFP Stéphane Sauvé. Cet ancien directeur d'Ehpad a fondé l'association Les audacieux et les audacieuses qui va ouvrir une première "Maison de la diversité", à Lyon, en 2024.
Destinée en priorité aux seniors LGBT+ ou séropositifs, cette future "maison" se composera de plusieurs appartements indépendants. Ses habitants seront invités à construire un projet de vie partagée, basé sur l'entraide.
Ce concept a vocation à être décliné: l'association, en discussions avec différentes villes, espère ouvrir une dizaine de ces maisons d'ici dix ans.
A Paris, une première colocation solidaire pour seniors LGBT+ a vu le jour en 2020, soutenue par les associations Grey Pride et Basiliade. Un groupe de cinq hommes s'est constitué par affinités.
Sylvain Guyot, qui a peu de contacts avec sa famille, a rejoint cette colocation l'an dernier. "On est dans un cocon, on est protégé du jugement sur la vie qu'on a envie d'avoir", témoigne auprès de l'AFP ce consultant en maison de santé de 58 ans.
Trois projets de colocation sur le même principe sont en cours, en Ile-de-France, à Lille et à Bordeaux.
Pour Luc Broussy, spécialiste des questions liées au vieillissement, ce type d'initiative devrait se multiplier dans les années à venir, du fait de l'arrivée à "l'âge des fragilités" de générations mobilisées pour leur communauté.
"Elles veulent maîtriser leur vieillissement, leur destin", souligne-t-il auprès de l'AFP.
Ces premières initiatives s'adressent aux seniors encore autonomes. Dans l'univers du grand âge, peu d'acteurs se sont penchés jusqu'à présent sur le sujet de l'accueil des personnes LGBT.
- "Un grand amour ?"-
"Quand on entre dans un Ehpad, on a l'impression de revenir à une époque où on faisait collectivement semblant que l'homosexualité n'existait pas", estime auprès de l'AFP Diane Rouzier, psychologue dans un Ehpad à Lyon.
Les résidents, qui ont grandi à une période où l'homosexualité était taboue, "ne disent rien et l'équipe soignante ne va pas chercher plus loin, par respect de cette pudeur", décrit-elle, en soulignant la nécessité de former le personnel.
En Seine-Saint-Denis, il s'agit d'un "axe à améliorer", reconnaît auprès de l'AFP Clotilde Cottineau, directrice de l'autonomie du département. "Nous voulons étoffer l'an prochain la formation proposée aux professionnels du médico-social pour mettre un accent sur la diversité".
Réagir aux propos homophobes, interroger un nouveau résident sur un éventuel "grand amour" plutôt que sur une éventuelle épouse: ce type de formation explique notamment l'attitude à adopter pour créer un climat plus inclusif.
L'association Les audacieux et les audacieuses va réaliser l'an prochain des formations de ce genre dans l'ensemble des Ehpad de la Croix-Rouge en France.
De son côté, l'association Grey Pride a créé un label pour distinguer les maisons de retraite qui tiennent particulièrement compte des besoins affectifs, de la sexualité et de la diversité des personnes âgées. Pour l'obtenir, l'établissement doit former son personnel, nommer un référent et mettre en place des activités en lien avec ces sujets de façon régulière, par exemple des ateliers pour "se faire beau ou belle" ou des lectures de "textes coquins".
"Il s'agit d'une démarche culturelle à mener sur le long terme", précise à l'AFP Francis Carrier, fondateur de Grey Pride.
"Il faut qu'on puisse s'exprimer facilement sur qui l'on est, son histoire, ses désirs" afin d'éviter que certains "retournent dans le placard", ce qui conduirait à leur isolement, insiste-t-il.
Les 15 Ehpad gérés par le Centre d'action sociale de la Ville de Paris doivent entrer dans le processus de labellisation proposé par l'association. Pour l'heure, certains professionnels au sein de deux de ces établissements ont suivi la formation.