"On est là les uns pour les autres": les étudiants bénévoles de la ligne d'écoute nocturne de l'association Nightline aident d'autres étudiants à rompre leur solitude alors qu'un jeune sur quatre en France dit se sentir seul.
Selon le rapport annuel sur les solitudes publié mardi par la Fondation de France, 26% des 15-25 ans disent se sentir seuls, contre 21% de la population générale. Le chiffre monte même à 45% l'été, quand s'interrompent les cours et les activités sportives, associatives ou autre.
Nightline gère des lignes dans six zones du pays (Paris, Lyon, Lille, Toulouse, Pays de la Loire, Normandie). Des étudiants, formés pour cela, apportent une écoute "anonyme, confidentielle, non directive et sans jugement" à d'autres étudiants, entre 20H30 et 02H00 du matin.
"On pratique l'écoute active, on amène la personne à parler. On ne fait pas d'accompagnement psychologique mais on peut les orienter vers un professionnel", explique sa déléguée générale adjointe Juliane Mattiussi.
Au cours des 7.500 appels recensés sur l'année universitaire 2022-23, les sujets les plus évoqués sont les relations familiales (27%), affectives (22%) et amicales (22%), mais aussi la santé mentale (42%) et la solitude (20%). Le suicide a été évoqué dans 16% des appels reçus.
"Les gens ne disent pas nécessairement le mot solitude, mais ils en décrivent les symptômes: ils ne voient plus leur famille, n'ont pas d'amis", explique un écoutant, doctorant parisien en géosciences de 24 ans, qui veut garder l'anonymat.
"Certains disent: +je ne me sens pas bien, j'aimerais rester au téléphone, même si je n'ai rien de particulier à dire+. D'autres nous racontent leur journée, on sent qu'ils n'ont personne à qui parler. Certains ne disent rien mais ne souhaitent pas qu'on raccroche, on est juste une présence", décrit-il.
- "Une grande famille" -
"On peut se sentir seul, même si on est physiquement entouré dans un grand amphi. Les étudiants ont souvent quitté leur famille, leur ville d'origine, leur réseau d'amis", explique Juliane Mattiussi.
Nightline gère aussi une ligne anglophone où affluent des appels d'étudiants étrangers, loin de leurs racines.
Outre les confinements de la crise sanitaire qui ont réduit les possibilités de se faire des amis, certains étudiants doivent limiter leur vie sociale pour des motifs économiques. "Beaucoup n'ont pas d'argent pour sortir ou habiter près de leur lieu d'études et ne peuvent pas rester après leur cours", selon Juliane Mattiussi.
Pour écouter la solitude des autres, les bénévoles ne sont eux-mêmes pas laissés seuls: ils viennent assurer leurs permanences au local de l'association où ils sont entre trois et six.
"Entre les appels, on échange sur nos ressentis, tout en gardant le contenu confidentiel. Une fois par mois, on débriefe tous ensemble avec un psychologue", explique le doctorant.
L'association veille à "nourrir le lien social" entre ses bénévoles eux-mêmes, avec aussi des sorties, des soirées ou en organisant un week-end annuel avec tous ses écoutants.
Nasrine Chafa, 22 ans, étudiante à Angers en génie biologique santé, a contacté Nightline parce qu'elle ne savait pas à qui parler de sa détresse lorsqu'une blessure sportive a mis fin à sa carrière sportive.
Elle s'est ensuite engagée comme bénévole pour "aider à (son) tour": Pour sa plus grande satisfaction: "J'ai découvert une communauté. On est là les uns pour les autres, comme une grande famille à travers la France."