"Juste pass d'accord", "Trois petits cafés valent mieux que pass", "Le contrôle social n'est pas notre métier": à Mellionnec, 420 habitants, les trois cafés, opposés au pass sanitaire et seuls commerces de cette commune rurale bretonne, sont fermés jusqu'à nouvel ordre.
"On ne s'est pas concertés, chacun a pris la décision séparément", explique Camille Chiron, en charge des achats à Folavoine, "épicerie rurale et café", située derrière l'église. Seule la partie café, qui dispose également d'un large espace en plein air sur la place, est fermée.
"Les cafés, ce sont des lieux ouverts, de rencontres, ça crée du lien social. Là, il faudrait faire du tri et il n'y a plus d'égalité d'accès entre tous. On préfère fermer dans ce contexte", déplore la jeune femme. Quant à l'épicerie, portée par une SCIC (société coopérative d'intérêt collectif) composée d'environ 120 sociétaires, elle conserve son rôle de "lien social".
Pour le café-librairie "Le temps qu'il fait", à une centaine de mètres, la situation est cocasse. En été, le jardin, sur l'arrière, fait office de café. Il est fermé. Mais "vous pouvez aussi emporter une gaufre ou une limonade, ou boire un café sur la place de l'église", indique une affichette à l'entrée.
Les deux commerces insistent sur le fait qu'ils reconnaissent la gravité de la pandémie et qu'ils ne contestent pas la vaccination. Simplement, dit l'affichette à la porte de la librairie, "nous n'avons jamais eu vocation à devenir des agents du contrôle social. Nous n'imaginons pas appliquer les mesures liées au pass sanitaire et discriminer ainsi nos client.e.s".
Le texte exprime aussi leur solidarité "aux lieux, bistrots ou restaurants" dont c'est l'activité principale et qui n'ont pas le choix - économiquement - de rester fermés.
- "Bar fermé!" -
Ce devrait être le cas du troisième commerce, le café-restaurant "L'Unik-K'fé". Pourtant il arbore lui aussi une grande affiche en vitrine: "Le contrôle social n'est pas notre métier. Bar fermé!".
"Ils ont une clientèle locale, régulière, ils connaissent tout le monde", souligne la maire, Marie-José Fercoq (DVG) pour tenter d'expliquer cette fermeture. Mais, "de toute façon, la partie restaurant ne fonctionne pas au mois d'août", précise-t-elle.
Pharmacienne de profession, Mme Fercoq vaccine dans son officine, dans une commune voisine, répondant à "une forte demande". "Beaucoup de gens de Mellionnec sont vaccinés", constate-t-elle.
Concernant le pass, elle considère que "ce n'est pas Mellionnec qui est contre", comme cela a pu être dit ou écrit dans la presse, donnant l'image d'une commune vent debout contre cette mesure.
Au moment de l'imposition du pass, résume-t-elle, un collectif s'est constitué avec "entre autres, des habitants de la commune" mais aussi des gens de localités voisines.
Camille Chiron confirme que ce collectif, qui n'est pas un collectif anti-vaccin et ne se reconnait pas dans les manifestations organisées les samedis dans les grandes villes, "n'est pas issu des cafés de Mellionnec".
Baptisé "collectif anti-pass 22", il a déjà organisé des rassemblements anti-pass dans d'autres communes environnantes mais c'est celui de Mellionnec la semaine dernière, avec moins d'une centaine de personnes, qui a focalisé l'attention.
"On n'a pas envie de se considérer comme des agents de contrôle, de se surveiller les uns les autres", rappelle Camille Chiron. "On n'a pas envie que le monde devienne ça".
"C'est embêtant, cette focalisation sur Mellionnec car ce collectif ne représente pas" la commune dont "une partie de la population ne s'exprime pas", estime l'élue.
De quoi craindre un possible malaise dans cette petite commune rurale. Il faut "veiller à ce que tout se passe bien", insiste Mme Fercoq, dont deux adjoints ont reçu le collectif. "Ne pas oublier ceux qui ne disent rien. N'oublier personne".
"Moi, en tant que maire, j'écoute tous les propos sans être nécessairement d'accord. Parce que, dans ce qui est dit, il peut y avoir un malaise" qui s'exprime, considère l'élue.