"Donner la parole à tout le monde et supprimer le système pyramidal": les "gilets jaunes" de Commercy (Meuse) organisent chaque jour une "assemblée populaire" devant une cabane de bric et de broc: déçus par les annonces du président, ils prévoient de durcir leurs actions.
"Il y en a qui ont des choses à dire? Qui veut animer l'assemblée?", demande Jonathan, un fonctionnaire territorial de 35 ans, à la vingtaine de personnes réunies autour de deux braseros.
Damien, la trentaine, endosse le rôle de modérateur et s'empare d'un marteau: si les débats s'enveniment, il tape sur la tôle. Romain, 21 ans, consigne sur un cahier le déroulement du "rendez-vous citoyen". Un jeune couple, parents de deux fillettes et nouveau venu dans le groupe, se présente.
Les "gilets jaunes" de Commercy, commune de presque 6.000 habitants réputée pour ses madeleines, organisent chaque jour à 17H30 des assemblées populaires.
"On fait le bilan de la journée et on décide des actions à faire, toujours par vote à main levée. Il n'y a pas de hiérarchie, on veut faire participer tout le monde", explique René, un enseignant retraité de 73 ans.
"On ne veut ni de représentants, ni de système pyramidal où le sommet ne représente plus la base", ajoute-t-il.
"C'est le peuple qui décide, on est maître de notre destin, normalement", souligne Patricia, une sexagénaire, assise sur un banc dans la cabane.
Installée sur une place du centre-ville depuis trois semaines, fabriquée avec des palettes et un toit en tôle, elle est devenue "un point de rassemblement" pour les "gilets jaunes" du secteur.
Avec sa "petite retraite de moins de 800 euros par mois", Elisabeth, 66 ans, a le sentiment d'être "aux oubliettes". "Mais ici, on a tous notre importance, notre avis compte", dit-elle en souriant.
- "Comités populaires" -
Refusant de mettre "le doigt dans l'engrenage de la représentation et de la récupération", les "gilets jaunes" commerciens ont lancé un appel à créer "partout en France des comités populaires, qui fonctionnent en assemblées générales régulières".
"Quand on arrive à la cabane, on enfile son gilet jaune et on enlève son étiquette politique", précise Jonathan, casquette en laine sur la tête. Un électricien sexagénaire, proche de François Asselineau, est prié de ranger ses documents.
Lundi soir, dans un froid humide avec une température de 6°, les "gilets jaunes" votaient pour payer avec la cagnotte, alimentée par des particuliers, les amendes de ceux qui ont organisé des ralentissements sur l'autoroute et des indemnités kilométriques à ceux qui utilisent leur véhicule pour des actions. L'idée de trouver un local pour pérenniser le lieu est abordée.
Des désaccords affleurent sur la couverture média ou la création de groupes de discussions dans les villages alentour.
"Ca ne sert à rien. Les gens passent avec leurs gilets jaunes dans la voiture, ils klaxonnent, mais ils restent chez eux", constate, amer, un homme moustachu.
"C'est la première fois que c'est houleux comme ça", reconnaît René.
"Comme il n'y a pas d'unanimité, le vote est reporté à demain", glisse Jonathan.
Le groupe a interdit l'alcool "pour éviter les problèmes et donner une bonne image", selon René, et prône la non-violence. Les blocages, barrages filtrants et opérations escargot organisés au début du mouvement ont été abandonnés car "trop pénalisants pour les usagers".
Dépités par l'allocution lundi soir d'Emmanuel Macron, ils envisagent tous de durcir leurs actions et certains de manifester à Paris samedi.
"On ne veut pas de ses miettes, on veut partager la baguette équitablement. A la cabane, on partage les madeleines qu'on nous donne", résume Jonathan, déçu par l'absence d'annonces sur la redistribution des richesses.