Du monde du commerce jusqu'à des élus politiques, l'implantation de Shein au sein du BHV Marais et dans des Galeries Lafayette, permettant à la marque asiatique décriée de s'implanter durablement en France, inquiète au plus haut point.
Six points de vente qui font du bruit. Mercredi, le mastodonte de la mode à prix cassés Shein a révélé avec fracas le lancement de premiers magasins physiques pérennes en France, une première mondiale.
Progressivement, dès novembre si le projet aboutit, les afficionados de la marque, qui devaient jusque-là se procurer les produits en ligne ou dans de rares magasins éphémères, pourront les trouver au sein de l'iconique BHV Marais, en plein coeur du Paris touristique, grâce à une alliance avec la Société des Grands Magasins (SGM). Ou dans cinq Galeries Lafayette de province, à Dijon, Reims, Grenoble, Limoges ou encore Angers.
La maire de cette dernière ville, l'ex-ministre de la Transition écologique Christophe Béchu, qui avait soutenu la proposition de loi visant la mode éphémère, tempête : "Angers n'a fait le choix de Shein !". L'élu qui affirme "défendre le commerce de proximité" juge que "l'arrivée de Shein va à rebours de nos convictions", déclare-t-il à l'AFP.
Les députés à l'oeuvre pour cette loi ont interpellé jeudi le Premier ministre, lui demandant "d'accélérer" le processus pour qu'entre rapidement en vigueur le texte. Mais celui-ci vient d'essuyer des avis circonstanciés de la Commission européenne qui exige que soit revue la copie, notamment l'article concernant l'interdiction totale de publicité pour les acteurs de la mode éphémère, a révélé Contexte.
Ces élus demandent aussi au gouvernement de se pencher sur l'actionnariat de SGM : "Ils peuvent s'acheter une bonne réputation avec de l'argent privé, mais pas avec de l'argent public", a déclaré le député LR Antoine Vermorel-Marques faisant référence aux négociations entre SGM et et la Banque des territoires (Caisse des dépôts) pour acquérir les murs du BHV Marais.
"Rien n'est encore signé", a prévenu la députée EPR et ex-ministre déléguée au Commerce Olivia Grégoire.
- "Une forme de reconnaissance" -
Jeudi toujours, l'adjoint à la mairie de Paris chargé du commerce Nicolas Bonnet-Oulaldj a demandé à la SGM de "reconsidérer" cette union commerciale qui "revient à cautionner un modèle fondé sur l'exploitation sociale, l'opacité des chaînes d'approvisionnement et une pollution textile massive".
"J'ai essayé de joindre à plusieurs reprises" M. Bonnet-Oulaldj sans succès, a rétorqué auprès de l'AFP le président de la SGM, Frédéric Merlin, qui affirme que la maire de Paris Anne Hidalgo "est une alliée" dans ce projet.
Mais dans une déclaration à la presse, Mme Hidalgo affirme que "Paris dénonce l'implantation de Shein" et dit sa "profonde inquiétude" face à la décision du BHV d'accueillir l'enseigne.
"Ce choix est contraire aux ambitions écologiques et sociales de Paris qui soutient un commerce de proximité responsable et durable", selon la maire.
Les commerçants sont également très remontés.
Shein "ne peut pas être le sauveur d'un secteur qu'il a contribué à affaiblir", a dénoncé l'Alliance du Commerce qui dénonce le partenariat puisque cela confère à la marque "une forme de reconnaissance, alors même que son fonctionnement est contraire aux efforts de transformation du secteur".
La Confédération des commerçants de France a, elle, exigé "un contrôle immédiat" par la Répression des fraudes "des promotions et pratiques commerciales de Shein dans ses corners BHV/Galeries Lafayette" et "des sanctions exemplaires en cas d'infractions constatées".
"On impose aux industriels français des normes environnementales et sanitaires strictes, mais on déroule le tapis rouge à une marchandise qui n'y est pas soumise", s'est agacé jeudi auprès de l'AFP le président d'Origine France Garantie, Gilles Attaf.
Dominique Schelcher, le PDG de Coopérative U, a alerté sur le réseau X : "Derrière le faux-nez de quelques façades rutilantes, le risque pour le consommateur et le commerce reste bien réel", a dit celui qui travaille à un rapport sur le commerce de proximité, rappelant que "60.000 emplois ont été perdus dans le commerce physique depuis 10 ans".
Tandis que le groupe Galeries Lafayette, qui n'est plus l'exploitant des établissements concernés en province détenus par la SGM, a exprimé son "profond désaccord".