Comment favoriser le train ? Un dilemme dans la région Provence-Alpes-Côte d'Azur

Face au réchauffement climatique et au renchérissement de l'essence, comment encourager l'usage du train ? L'Allemagne a lancé l'abonnement mensuel à neuf euros. En France, la région Provence-Alpes-Côte d'Azur privilégie les abonnés face aux voyageurs occasionnels, quitte à faire grincer quelques dents.

"Je veux doubler le nombre de personnes qui sont dans nos cars et nos trains", actuellement 200.000 chaque jour, a annoncé Renaud Muselier, le président de droite de cette région de cinq millions d'habitants, pour expliquer une réforme des tarifs qui entrera en vigueur en septembre 2023.

Revendiquant combattre "le ticket unique", il a lancé : "Je fais tout pour l'abonnement".

Présentée comme "plus écologique", la nouvelle grille comprend une simplification des tarifs. Plus l'usager prendra le train, plus la part du billet pris en charge par la Région augmentera, selon lui.

Mais les utilisateurs occasionnels perdent une carte avantageuse, qui offrait notamment jusqu'à 75% de réduction sur certains trajets et des déductions aux accompagnants. Elle a permis, selon un rapport de la Cour des comptes de 2019, "une augmentation significative" du trafic passagers, mais a aussi engendré un manque à gagner de plusieurs millions d'euros pour l'exploitant, la SNCF.

En colère, plusieurs associations d'usagers et de défense de l'environnement ont dénoncé une "discrimination" et "une aberration face à l'urgence climatique".

"Le problème, c'est que tout le monde n'a pas obligatoirement besoin d'utiliser le train quotidiennement", proteste Frédéric Laugier, vice-président de l'une de ces associations, la Fnaut Paca, qui a lancé une pétition (près de 3.900 signatures). Il craint qu'"une tranche de la clientèle qui utilise le train, par exemple le week-end, se rabatte sur la voiture".

Encourager les abonnements est un moyen "de remplir ses trains, notamment en heures creuses", soit les milieux de journée et les week-ends, analyse en revanche l'expert ferroviaire Arnaud Aymé, de la société conseil Sia Partners, qui estime la réforme de la Région Paca "logique".

- Un euro, gratuité -

"L'idée, c'est qu'on pousse des gens qui +consomment+ du train quotidiennement pour leurs déplacements professionnels à prendre l'abonnement" et à l'utiliser davantage, a-t-il développé.

Experte ferroviaire du groupe de conseil Egis, Cloé Chevron est plus nuancée : les usagers occasionnels "voyageant en dehors des périodes les plus fréquentées permettent d'améliorer le remplissage. Il faut donc les considérer et continuer à les accueillir".

Les enjeux sont importants. À l'échelle nationale, les usagers occasionnels représentent la moitié du trafic mais près de trois quarts des bénéfices d'exploitation des lignes TER.

Le souci (des régions) est "d'attirer le plus possible" d'usagers, rappelle auprès de l'AFP le président de la Cour des comptes d'Auvergne-Rhône-Alpes, Bernard Lejeune, ancien rapporteur général d'une étude de l'institution consacrée aux trains express régionaux paru en 2019.

Elles disposent pour cela de "deux leviers : le levier mécanique (la qualité du service) et le levier tarifaire", précise-t-il.

"Les abonnés sont très sensibles à la qualité du service, un peu moins au prix. C'est l'inverse pour les occasionnels", qui peuvent plus facilement retourner à la voiture face à une hausse du tarif.

Sur la promesse d'améliorer le service, la Région Paca a attribué, à compter de 2025, l'exploitation de la ligne Marseille-Nice (10% du trafic régional en nombre de trains) au groupe privé Transdev, promettant également 275 millions d'euros d'investissements dans les trains. Les cheminots de la SNCF regrettent que la Région "investisse énormément d'argent pour l'ouverture à la concurrence alors qu'elle ne l'a pas fait pour les lignes SNCF".

Certaines régions comme les Hauts-de-France caressent elles dans le sens du poil et les abonnés, et les occasionnels. Parmi les championnes de l'abonnement, cette région a renouvelé l'opération de billets à un euro sur plusieurs destinations pour l'été 2022. La Bretagne propose elle la gratuité à certains usagers.

À moyen terme, grâce à sa réforme, l'exécutif régional en Paca prévoit une augmentation de 6% des voyages par rapport aux 67 millions annuels enregistrés en 2019. La réponse à cette question à choix multiples, +comment augmenter la fréquentation des trains ?+, ne se vérifiera qu'"a posteriori", souligne M. Aymé. Rendez-vous à l'horizon 2025.

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