Colère des agriculteurs: ce qu'ils ont obtenu, ce qu'ils demandent encore

Ils ont obtenu 400 millions d'euros d'aides d'urgence, de premières mesures de simplification et des concessions européennes sur les jachères, mais les agriculteurs veulent plus: certains sur les pesticides, tous sur la dénonciation des accords de libre-échange ou la garantie d'un revenu décent.

- Les mesures déjà actées -

Sur le gazole non routier (GNR), le gouvernement a abandonné la hausse prévue de la taxe sur ce carburant des tracteurs et promis, à partir de juillet, l'application de l'avantage fiscal dont ils bénéficient dès la livraison, sans avoir besoin d'en demander le remboursement après coup.

Le Premier ministre s'est engagé à dix mesures immédiates de "simplification administrative", pour accélérer par exemple les procédures pour le curage des cours d'eau, la construction de bâtiments d'élevage ou de projets de stockage d'eau.

Des réunions "ont eu lieu dans toutes les préfectures de département" pour "faire remonter les propositions de simplification" d'arrêtés, en cours de compilation, a précisé lundi le cabinet du ministre de l'Agriculture Marc Fesneau.

Gabriel Attal a annoncé un renforcement des lois Egalim, qui visent à protéger les revenus des agriculteurs. Le ministre de l'Economie Bruno Le Maire a identifié 124 contrats, signés entre industriels et distributeurs, qui ne respectent pas ces lois et envoyé des injonctions à ces entreprises.

Des aides supplémentaires vont être débloquées pour les élevages touchés par la maladie bovine MHE (50 millions d'euros), la filière bio (50 millions), les exploitations bretonnes affectées par les tempêtes et un fonds pour la viticulture a été porté à 80 millions d'euros. A aussi été annoncée une enveloppe de 150 millions d'euros en soutien fiscal et social aux éleveurs.

Au niveau européen, le gouvernement a rappelé l'opposition de la France à tout accord de libre-échange avec le bloc latino-américain Mercosur et s'est félicité de la décision mardi de la Commission européenne d'une exemption partielle aux obligations de jachères pour l'année 2024.

La France demande aussi à ce que la limitation des importations de produits agricoles dits "sensibles" imposée à l'Ukraine début février sur les volailles, le sucre et les oeufs soit étendue aux céréales.

- Là où les syndicats veulent aller plus loin -

Sur le GNR, la Coordination rurale (CR), 2e syndicat agricole, demande l'abandon de toute taxe.

Sur les aides à la trésorerie, la CR voudrait avoir "l'assurance qu'on ne laisse personne sur le bord de la route", dénonçant les conditions complexes d'accès aux indemnisations. "On avait demandé une année blanche" sur les échéances bancaires, a rappelé sa présidente Véronique Le Floc'h auprès de l'AFP.

Sur les accords de libre-échange, tous les grands syndicats veulent que le gouvernement s'engage plus pour éviter une "concurrence déloyale".

Il faut que les produits importés soient "soumis aux mêmes normes" que les produits français, a plaidé mardi auprès de l'AFP le patron de la FNSEA, premier syndicat du secteur.

Arnaud Rousseau évoque notamment l'élevage, pour lequel le gouvernement a annoncé un "grand plan" dont "on n'a pas encore vu une ligne". Il réclame "une vision claire" : "On ne peut pas parler de souveraineté alimentaire et voir les importations de viande bovine continuer à augmenter" en France, ou encore constater la baisse du cheptel et demander aux agriculteurs de conserver des prairies.

La Confédération paysanne, 3e syndicat agricole, exige de préserver le revenu des paysans: sur la "question centrale des prix", sa porte-parole Laurence Marandola demande "d'ouvrir un chantier vers l'interdiction en France de transactions en-deçà du prix de revient".

Elle dénonce aussi le fait que certains préfets n'aient "pas reçu tous les syndicats, ce qui est extrêmement choquant au regard de la représentativité et du pluralisme".

Sur les pesticides, la FNSEA a un mantra: "Pas d'interdiction sans solution". Elle s'est félicitée de la suspension du plan Ecophyto - qui vise la réduction de moitié des pesticides d'ici 2030 (par rapport à 2015-2017) - mais attend une annonce claire sur "le remplacement du Nodu", l'indicateur principal de ce plan, au profit d'un indice européen.

Allant plus loin, la CR demande à ce que la France "obtienne la renégociation immédiate de la PAC (Politique agricole commune)", qui conditionne le paiement des aides à certaines normes environnementales.

La Confédération paysanne s'inquiète au contraire du recul du gouvernement sur les normes environnementales et demande un "accompagnement de la transition". Elle dénonce comme de la "démagogie totale de faire des normes environnementales le bouc-émissaire du malaise agricole".

Pour faciliter l'installation des nouveaux agriculteurs, objet d'une loi en préparation, la Coordination rurale plaide pour la suppression des droits de succession, allant au-delà du relèvement des seuils d'exonération annoncé par le gouvernement.

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