Climat: les députés issus du monde agricole veulent faire entendre leurs voix

"Dépasser l'image d'Epinal", "expliquer le terrain" mais aussi la diversité des modèles: la douzaine de députés issus du monde agricole montent régulièrement au front dans les débats, du glyphosate au projet de loi "climat" au menu de l'Assemblée à partir de lundi.

Ce texte de protection de l'environnement dit "Climat et résilience" menace dans l'une de ses dispositions de frapper au porte-monnaie les agriculteurs gros consommateurs d'engrais azotés. Taxe écologique salutaire pour faire évoluer les pratiques les plus polluantes, ou nouvel épisode d'"agribashing"?

Dès l'examen en commission au Palais Bourbon, cette mesure qui mécontente la FNSEA, syndicat agricole majoritaire, et les Jeunes Agriculteurs, a provoqué des étincelles avec Nicolas Turquois, du groupe MoDem allié de la majorité, agriculteur de profession dans le Poitou et opposé au mécanisme des sanctions.

"La taxe azote? Cela témoigne d'une approche très théorique. On lance une idée en l'air et on ne se préoccupe pas de savoir comment on atterrit. L'azote on en aura toujours besoin", appuie Antoine Herth (Agir), autre agriculteur qui évoque une incompréhension, une "espèce de dérive des continents entre l'urbain et le rural".

"Je ne dis pas que les agriculteurs n'ont pas de responsabilités... Mais il est toujours plus facile de rendre responsables ces 400.000 personnes des impacts sur l'environnement que de proposer le changement de mode de vie de 70 millions de Français", glisse le député LREM Jean-Baptiste Moreau, éleveur de bovins dans la Creuse. Il est co-signataire d'un amendement de suppression de la mesure sur les engrais azotés.

Des positions pas franchement défendues par leur collègue "marcheuse" Sandrine Le Feur, à la tête d'une exploitation bio dans le Finistère: "Certains disent: +on attaque encore l'agriculture+. Moi je dis stop. Tous les secteurs doivent prendre leur part (dans la réduction des émissions de gaz à effet de serre), y compris l'agriculture".

Une autre disposition du projet de loi fait aussi grincer les dents de certains: l'expérimentation d'un choix végétarien quotidien dans les cantines des collectivités volontaires, ces élus prônant surtout les produits de qualité, la viande au premier chef.

- "Divergences sur les modèles" -

Comme lors des controverses sous ce quinquennat sur l'interdiction du glyphosate ou le retour des néonicotinoïdes, les députés-agriculteurs - 13 au total - ont à coeur sur ce texte emblématique d'apporter leur point de vue "de terrain". Et au-delà, d'expliquer une filière économique de moins en moins connue de leurs collègues comme du reste de la société.

Des bancs de LR à ceux du PS en passant par LREM et ses alliés centristes, ces parlementaires sont loin de constituer un bloc politiquement homogène alors que les agriculteurs penchent traditionnellement plutôt à droite.

Ils sont également traversés de vraies divergences sur les modèles agricoles. "Il n'y a pas qu'un type d'agriculture", résume M. Moreau.

Ainsi avec Sandrine Le Feur, ils ont "deux visions très différentes" et sont "des voix intéressantes", témoigne Célia de Lavergne, co-rapporteure LREM du projet de loi climat. Leur profession est une "marque de fabrique" de leur mandat et ils sont écoutés comme des "experts", "comme on peut écouter des parties prenantes".

"Nos propos sont peut-être plus enracinés mais pas plus légitimes. Je n'aime pas dire +moi paysan+. Ca ne créé pas une autorité singulière sur les questions agricoles", nuance le socialiste Dominique Potier, qui a été à la tête d'un Gaec (groupement agricole d'exploitation en commun) en Meurthe-et-Moselle. Il entend ne pas être réduit à sa profession au sein de la représentation nationale.

Avec un peu plus de 2% des 577 députés, la part des agriculteurs à l'Assemblée nationale est à peine supérieure à leur part dans la population active (1,5%).

En 1958, dans une France encore très rurale, ils représentaient 12% du Palais Bourbon avant de tomber à un étiage de 2 à 4% à partir des années 1980.

A la différence des ouvriers, ils n'ont cependant pas complètement disparu de l'hémicycle, probablement en raison "de la grande tradition d'engagement politique et syndicale" de la profession, note M. Potier. Il rappelle l'héritage de la Jeunesse agricole catholique (JAC) ou la sur-représentation des agriculteurs chez les petits maires, "pied à l'étrier de la vie politique".

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