Le Giec, le groupe d'experts mandaté par l'ONU sur le climat, n'est pas "en crise" et reste "pertinent", malgré des critiques sur la lenteur de ses processus ou la difficulté de ses membres à s'entendre sur un calendrier de publication, assure son président Jim Skea.
Dans un entretien à l'AFP à l'occasion de la remise d'un doctorat Honoris Causa de Sorbonne Université, le Britannique, spécialiste d'énergie durable, vante "l'autorité" des rapports du Giec, fruit d'un processus rigoureux.
QUESTION: Lors d'une récente réunion à Hangzhou (Chine), le Giec n'a pas réussi à s'entendre sur le calendrier de publication de ses prochains rapports. Est-ce que l'institution est en crise?
REPONSE: "Non je ne pense pas que le Giec soit en crise. Nous allons résoudre cette question du calendrier. Et nous avons eu beaucoup de gros succès à Hangzhou (...). Le Giec avance.
Sur la question du calendrier, il y a en gros deux options. Une pour un calendrier de publication aligné sur le deuxième bilan global de l'Accord de Paris (prévu en 2028) et l'autre qui est plus lent.
Et parmi ceux qui veulent aller plus lentement, il y a d'autres éléments à prendre en considération: le temps dont disposent les pays pour passer en revue l'ébauche de rapport du Giec et le temps dont disposent les gens issus de pays en développement pour produire de la littérature scientifique.
Donc il va falloir s'attaquer à cette question à la prochaine réunion du Giec, qui devrait avoir lieu au quatrième trimestre de cette année. Et je suis optimiste sur le fait qu'on va trouver une solution et aller de l'avant.
Q: Les États-Unis ont été absents de la réunion en Chine. Êtes-vous inquiet d'un retrait américain?
R: "Normalement nous ne faisons pas de commentaire sur la présence de tel pays à une réunion particulière, jusqu'à la publication des rapports. Mais le fait que les États-Unis ne se soient pas inscrits ou aient participé à la réunion de Hangzhou a été largement évoqué et effectivement ils étaient bien absents.
Mais à chaque réunion nous avons 60 ou 70 pays membres du Giec qui ne viennent pas, qui ne s'inscrivent pas. Les États-Unis étaient l'un d'entre eux à cette réunion et ça a pourtant été une réunion de routine. On a fait ce qu'on avait à faire. On s'est mis d'accord sur les grandes lignes de nos prochains rapports".
Q: Les rapports du Giec prennent 5 à 7 ans, bien trop long pour certains. Est-ce que le Giec est encore pertinent?
R: "Il est manifestement pertinent. Notre rapport sur 1,5°C lors du cycle précédent à eu un immense impact dans le monde, sur les négociations. Aux COP vous voyez toutes les délégations dire qu'il faut s'appuyer sur la science et se référer aux rapports du Giec.
Donc nous avons la preuve que le Giec continue d'être pertinent. Mais nous ne sommes pas un média qui publie 24 heures sur 24, à cause de ces cycles de 5 à 7 ans. Nous avons un processus très élaboré de révision, ça prend beaucoup de temps.
Mais lorsque nous sortons nos rapports, ils ont un cachet d'autorité provenant des scientifiques et du consensus entre les gouvernements, et c'est cela qui les rend si puissants. Je pense que si l'on faisait des compromis sur nos procédures nous perdrions cette autorité".
Q: Des records climatiques ont été battus ces dernières années, surprenant même certains scientifiques. Le réchauffement est-il plus important que prévu dans les modèles?
R: "Il y a beaucoup de travail scientifique actuellement pour comprendre précisément ce qui s'est passé ces 2 ou 3 dernières années. Ce que je comprends de mes échanges avec les scientifiques - n'étant pas physicien du climat moi-même - c'est que pour les indicateurs globaux nous sommes à la limite des circonstances exceptionnelles. Mais pour des régions ou des écosystèmes particuliers nous sommes bien au-delà des limites attendues.
Les scientifiques sont en train de débattre de ces problèmes. On espère qu'il y aura suffisamment de littérature disponible pour fournir une meilleur compréhension pour les prochains rapports du Giec, probablement en 2028 pour le rapport du groupe de travail sur les bases physiques du climat".