Climat: la droite sur un terrain piégeux

Rejeter la "judiciarisation à outrance" sans passer pour ringards sur l'environnement: la droite, consciente du "piège" qui menace, doit trouver un équilibre subtil sur l'environnement, comme l'a illustré le vote récent sur le "référendum climat" voulu par Emmanuel Macron.

L'environnement occupe une bonne place de l'agenda parlementaire alors que l'Assemblée nationale examine à partir de lundi prochain le projet de loi "climat et résilience".

"Il faut qu'on se fasse entendre, qu'on n'ait pas l'écologie honteuse et donc qu'on mette des propositions sur la table", affirme le patron des députés LR Damien Abad en plaidant pour "une écologie positive, responsable, pragmatique", qui soit celle "du bonus et pas du malus".

Le texte de loi, aux thématiques très larges (consommation, logement, transports...), a été bouclé la semaine dernière en commission lorsque les députés ont approuvé le délit d'écocide.

Une notion urticante pour LR, qui a engagé ateliers et conventions pour refonder son programme en vue de 2022, et aborde l'environnement sous l'angle de l'alimentation et de l'agriculture avec un accent sur le réchauffement climatique.

Avec ce délit d'écocide, "on va faire l'environnement devant les tribunaux", selon M. Abad.

La droite a eu un avant-goût la semaine dernière, lorsque l'Assemblée a voté l'inscription du climat dans la Constitution, sujet sur lequel Emmanuel Macron veut consulter les Français.

Côté LR, 82 députés se sont abstenus et 20 ont voté contre.

L'exécutif, reprenant les propositions de la Convention citoyenne pour le climat, entend graver à l'article 1er de la Constitution que la France "garantit la préservation de l'environnement et de la diversité biologique et lutte contre le dérèglement climatique".

Or le terme "garantir" fait bondir la droite qui redoute là aussi une "judiciarisation à outrance" et brandit un avis du Conseil d'Etat.

Fin janvier, celui-ci estimait que la rédaction proposée "imposerait aux pouvoirs publics une quasi-obligation de résultat", avec des "effets potentiellement puissants et largement indéterminés".

En d'autres termes, "c'est le juge qui dira a posteriori si ce qui a été fait a été suffisant", expliquaient dans une tribune début mars 24 députés LR opposés au texte, emmenés par Olivier Marleix et Marc Le Fur.

- "Contre-projet" -

Il est difficile toutefois de voter "contre" une proposition de référendum quand on se réclame du gaullisme. "Le général de Gaulle l'a fait plusieurs fois", rappelle le député Raphaël Schellenberger en déplorant une "stratégie de cliver" de la part du gouvernement.

Le projet de révision constitutionnelle arrivera en mai au Sénat. Son président Gérard Larcher (LR) a déjà mis en garde l'exécutif contre toute tentation de "faire un coup" et assure privilégier le verbe "agir" (le Conseil d'Etat préconise "préserver").

Difficile également de bloquer un texte pro-environnement sans passer pour rétrogrades et LR en est bien conscient.

"Je vois la stratégie politique de faire porter le fardeau de la responsabilité à la droite pour empêcher le référendum", redoute M. Abad.

"Ceux qui pointeraient la faiblesse juridique du texte seraient caricaturés en adversaires de la lutte contre le réchauffement climatique. Nous ne tomberons pas dans ce piège", soulignait le député LR Julien Aubert dans une tribune à L'Opinion le 17 mars.

M. Aubert a préféré s'abstenir. Mais en cas de référendum, "nous ferons ardemment campagne pour le +non+ en dénonçant ces manoeuvres politiciennes qui instrumentalisent la cause environnementale", dit-il.

En attendant, comment rester audibles, pour une famille politique qui se targue d'avoir "ouvert le chemin" sur l'écologie, dans le sillage d'un Jacques Chirac lançant "notre maison brûle" en 2002 à Johannesburg?

M. Abad promet de "travailler a un contre-projet" dans la loi climat "avec des propositions qui seront pour certaines transposées en amendements" sur "la rénovation thermique, l'agriculture de proximité, les circuits courts..."

"Notre famille politique sera force de proposition pour un développement respectueux de la planète, assis sur un développement économique et un bien-être général", a assuré le député Jean-Marie Sermier en commission. Et de résumer la position LR: "Non à la décroissance, oui au développement durable".