Beaucoup restent sur leur faim mais le vote devrait être assez large: l'Assemblée nationale s'apprête à valider mardi l'inscription du climat dans la Constitution, avant que le Sénat à majorité de droite ne s'empare du sujet sur lequel Emmanuel Macron veut un référendum.
Les députés se prononceront lors d'un scrutin solennel en fin d'après-midi sur ce projet de révision perçu par les oppositions tantôt comme "symbolique", tantôt comme un "coup de com'" du chef de l'Etat.
Les socialistes et communistes devraient soutenir le texte, même s'ils auraient souhaité inscrire un principe de "non-régression" en matière environnementale. A l'inverse, les insoumis fustigent "une pastille verte qu'Emmanuel Macron entend mettre dans la Constitution" et ne le valideront pas.
La droite, soucieuse de ne pas entraver la liberté d'entreprendre, ne le votera pas non plus car "on va créer une norme environnementale suprême, faire l'environnement devant les tribunaux", selon le patron des députés LR Damien Abad.
"Monsieur le Président, vous perdrez le référendum!", pronostique son collègue Julien Aubert dans une tribune avec 23 parlementaires LR, publiée dans le journal économique L'Opinion. Lui-même s'abstiendra pour ne pas se mettre "entre le peuple et ce texte".
Lors des débats la semaine dernière, aucun des quelque 400 amendements des députés, pour aller plus loin ou au contraire freiner, n'a été adopté.
Le socialiste Gérard Leseul a dénoncé "une discussion bloquée et atrophiée". Mais le garde des Sceaux Eric Dupond-Moretti martèle que "le débat a été complet" et insiste: "Nous sommes fiers de ce texte fondateur".
Il s'agit de graver à l'article 1er de la Constitution, qui pose les principes fondateurs de la République (égalité, laïcité...), que la France "garantit la préservation de l'environnement et de la diversité biologique et lutte contre le dérèglement climatique".
Cette formule, qui avait été retenue par le chef de l'Etat, arrivera donc telle quelle devant le Sénat en mai.
- Le Sénat clé -
La présidente du RN Marine Le Pen, qui entend aussi investir ce champ écologique en vue de l'élection présidentielle, a présenté devant la presse son contre-projet de consultation des Français, avec 15 questions du nucléaire aux éoliennes.
Nul besoin de modifier l'article 1er de la Constitution pour les députés RN, alors que la Charte de l'environnement est mentionnée dès le Préambule de la Loi fondamentale. Mais Mme Le Pen n'a pas défendu ses positions dans l'hémicycle, ce qu'a épinglé M. Dupond-Moretti.
Le projet de révision constitutionnelle est issu des propositions de la Convention citoyenne pour le climat qui a débouché sur un autre texte, le vaste projet de loi "climat et résilience" et sa batterie de mesures sur les logements, la publicité et encore l'aérien.
Sur le volet constitutionnel, l'organisation d'un référendum nécessite au préalable l'accord de l'Assemblée nationale et du Sénat sur un même texte.
Le député écologiste et ex-LREM Matthieu Orphelin n'a eu de cesse de demander au garde des Sceaux s'il avait déjà engagé les discussions avec le Sénat pour gagner du temps et ne pas compromettre l'organisation d'un référendum sous ce quinquennat.
Or le président du Sénat Gérard Larcher (LR) a mis en garde l'exécutif contre toute tentation de "faire un coup". Dans cette bataille de mots sur l'article 1er de la Constitution, il privilégie le verbe "agir" pour la préservation de l'environnement, plutôt que "garantir".
Sans succès, la droite au Palais-Bourbon s'est déjà employée à changer ce terme. Au-delà, les députés de tous bords ont poussé une ribambelles de sujets, des retraites aux traditions locales en passant par la sécurité.
Même ce qui avait été voté en 2018 lors de la tentative avortée de réforme des institutions n'a pas été validé, comme la suppression du mot "race".
Les députés se sont rebellés à maintes reprises contre cette révision constitutionnelle "qui n'autorise en rien le travail parlementaire", d'après François-Michel Lambert (Libertés et territoires).
"La Convention citoyenne n'est pas le Sacré Collège du Vatican, le +filtre+ c'est nous", a tancé Julien Aubert à droite.