A Valence, des lycéens qui se mobilisent sur le même mode que Greta Thunberg depuis janvier ont réuni pour la grève climatique vendredi au-delà de leurs espérances. Reste à convaincre la "majorité passive" de leurs camarades.
En France, la forte mobilisation de vendredi laisse penser que des "graines de révolte poussent" dans le pays, comme le revendique la pancarte d'un jeune.
Dans la petite préfecture de la Drôme, ils étaient 1.000 selon la préfecture, soit deux fois plus que ne l'espéraient les organisateurs.
La plupart avaient noué un petit ruban vert dans les cheveux, autour du front, du bras. Et comme souvent dans les manifestations pour le climat, les slogans avaient une tonalité humoristique. "Détruisez pas la terre, c'est le seul endroit où y'a de la bière", rivalisait avec : "Maman, c'était comment les abeilles ?".
En bonne place dans le cortège, Elsa Ayache, élève en terminale à la cité scolaire Camille Vernet, est avec une poignée d'autres élèves à l'origine d'une mobilisation lancée voici près de trois mois à Valence.
Tous les mercredi, à l'heure de la récréation, ces lycéens sortent, brandissent devant l'établissement la banderole : "Pour le climat, on fait quoi ?" et délivrent leurs conseils : faire plus de vélo, manger moins de viande, ne pas acheter pendant les soldes, arrêter les couverts en plastique.
Ils sont désormais une centaine chaque semaine. Le chiffre augmente, même si cela ne représente qu'une poignée d'élèves par classe.
Chacun annonce avoir engagé une transition écologique. Elsa est devenue "flexitarienne", elle ne mange de la viande qu'occasionnellement. Jeanne-Héloïse ne s'habille qu'avec des vêtements de seconde main car "un tee-shirt c'est 70 litres d'eau" et utilise des bouteilles réutilisables. Charlotte va même jusqu'à tenter de convaincre son père, éleveur bio, de ne plus consommer de viande ne provenant pas de leur ferme.
- Le risque de "sur-admiration" de Greta -
"Réaliste", le groupe revendique une démarche des "petit pas". Ils ont peur d'être récupérés par des partis comme LFI, le PC ou les écologistes. Tout en souhaitant être entendus.
Le groupe a écrit à de nombreux politiques de la région. L'eurodéputée écologiste Michèle Rivasi est la première a les avoir reçus. La députée LREM Mireille Clapot doit venir les voir la semaine prochaine. Et après plusieurs relances, le maire Les Républicains de Valence, Nicolas Daragon a accepté de les rencontrer le 4 avril.
Ils ont des demandes très précises : trouver une solution pour l'A7 qui traverse leur ville, abandonner le centre aqualudique d'Epervière "un gouffre écolo et financier", la gratuité des transports en commun, énumère Antonia Torinesi.
Et de souffler au président de la région Auvergne-Rhône-Alpes Laurent Wauquiez, déjà engagé pour l'approvisionnement local, de proposer plus de bio et un repas végétarien par semaine, complète Mattéo Vicente.
"Le but ce n'est pas que ce mouvement dure, c'est qu'il y ait des actions", souligne Jeanne-Héloïse Dugnat. Reste que la plupart ne cachent pas leur scepticisme. Et craignent même qu'on fasse dire à Greta Thunberg, "tellement médiatisée", "des messages qui ne sont pas les siens".
"Est-ce qu'il y a une start-up écolo derrière elle ?" s'interroge même une lycéenne, se disant méfiante de tout phénomène de "sur-admiration".
Après plusieurs sit-in dans la ville vendredi, chacun a déposé symboliquement son ruban autour du romantique kiosque à musique Peynet, sous le regard attendri de Michèle Rivasi.
"Ca nous booste ce qu'ils font". Même si, reconnaît-elle, "il y a encore beaucoup de jeunes qui sont focalisés sur leur avenir personnel et ne voient pas qu'ils n'auront pas d'avenir s'il n'y a pas de planète viable".
Et "ici on a eu les +gilets jaunes+ qui ont freiné le mouvement", soutient-elle.
"Ce matin, il a eu un débat en SVT. Et il y a un qui a dit: +moi je m'en fiche, je veux garder mon confort+. Je trouve ça ouf et on a été que cinq à vraiment prendre la parole pour tenter de le convaincre qu'il avait tort", explique Elsa Ayache.