Dans un vieil appartement de la rue du Mont-Thabor, à deux pas des Tuileries, le téléphone du poste parisien "Concorde" de SOS Amitié n'a pas cessé de sonner depuis le début du deuxième confinement: le surcroît d'appels enregistré au niveau national depuis le 17 mars s'est pérennisé et l'association manque cruellement de bénévoles.
"C'est le plus petit poste d'écoute parisien, il arrive qu'on se marche un peu sur les pieds", s'amuse Jean-Jacques Pirez, président de SOS Amitié. Ici, 65 bénévoles assurent les permanences de l'association, qui propose un service d'écoute téléphonique 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 aux personnes en situation de détresse. Le "poste Concorde" est l'un des 54 que compte SOS Amitié en France.
Dans l'intimité de la "salle de partage", une pièce consacrée au suivi psychologique des bénévoles, particulièrement exposés à la souffrance humaine avec 11.000 appels liés au suicide chaque année, Jean-Jacques Pirez raconte une pandémie qui a "exacerbé les souffrances" des appelants. Conséquence, l'association connaît depuis le 17 mars un "surcroît d'appels de 35%" qui s'est pérennisé.
Depuis le deuxième confinement, il note un nombre "écrasant d'habitués" qui contactent l'association, dont "50% souffrent de troubles psychiques", de "comportements dépressifs" ou de pathologies plus lourdes comme la "bipolarité".
Confrontée à ce quotidien comme les 1.700 bénévoles de l'association, Josette (prénom modifié) prête l'oreille chez SOS Amitié depuis 10 ans. Pour cette retraitée de l'éducation nationale qui assure des formations de bénévoles au poste Concorde, "le deuxième confinement est plus dur que le premier et beaucoup de nouveaux appelants sont des jeunes ou des personnes qui ont perdu leur emploi, souvent de petits boulots, ou qui vivent dans des logements précaires. Les gens parlent peu du confinement mais il contribue à renforcer leurs souffrances."
Cette ancienne écoutante de SOS Amitié à Strasbourg se souvient notamment d'un "échange fort" avec une femme de ménage d'une société de nettoyage de locaux d'entreprise dont les heures de travail ont fondu ces dernières semaines en raison du recours au télétravail.
- Besoin de bénévoles -
Un motif d'inquiétude supplémentaire pour l'association, qui a vu croître la part de "primo-appelants" depuis le début de la pandémie: des profils qui "n'auraient jamais appelé auparavant", s'alarme Jean-Jacques Pirez.
A la peur de la maladie et de l'isolement ont succédé d'autres craintes liées cette fois aux conséquences économiques et sociales de la pandémie, et auxquelles les bénévoles ne peuvent pas toujours répondre.
Sur les 2,5 millions d'appels reçus chaque année par SOS Amitié, soit 8.000 chaque jour, l'association assure 700.000 écoutes d'une "vingtaine de minutes en moyenne", selon Josette. A l'échelle nationale, Jean-Jacques Pirez chiffre les besoins de l'association à "500 bénévoles supplémentaires" et souligne un "phénomène d'usure des équipes pendant l'été".
Si l'association a d'abord fermé ses postes en France le 17 mars dernier, le télé-bénévolat s'est rapidement imposé avec des permanences resserrées de deux heures au lieu de quatre pour les écoutants. Une situation qui a permis à SOS Amitié de "doubler son volume d'écoute pendant le premier confinement", se félicite son président.
Associée à la plateforme gouvernementale de lutte contre le Covid-19, SOS Amitié a contribué à répondre aux "gens qui manifestaient de l'inquiétude, des angoisses psychologiques mais également à les rediriger lorsque c'était nécessaire vers des cellules psychologiques ou médicales susceptibles de leur venir en aide", précise Jean-Jacques Pirez.
SOS Amitié a lancé début octobre en France une campagne de recrutement de bénévoles, qui sont ensuite formés. Après 3 semaines, "rien que dans la région Île-de-France, on a reçu 350 candidatures alors qu'en base annuelle nous en avons entre 400 et 500", se réjouit Jean-Jacques Pirez.