Ceta: l'Assemblée nationale accentue la pression sur le gouvernement

La victoire n'est que symbolique, mais hautement politique: l'Assemblée nationale a adopté jeudi une proposition communiste pour demander au gouvernement de lui soumettre le traité de libre-échange Ceta entre l'Union européenne et le Canada, combattu par l'ensemble des oppositions.

Sans valeur contraignante, cette résolution a été adoptée par 151 voix contre quatre grâce à une coalition de la gauche, de LR et du RN, pendant que le camp présidentiel s'abstenait. Elle vise à remettre la pression sur l'exécutif, après le rejet du projet de loi de ratification du Ceta au Sénat en mars.

A la suite de ce revers, le gouvernement avait décidé de repousser l'examen du Ceta à l'Assemblée nationale.

Adopté en 2017 à l'échelle européenne, l'accord de libre-échange est déjà appliqué en France, mais le texte de ratification végète dans la navette parlementaire.

A dix jours des européennes, le sujet est "instrumentalisé" de façon "électoraliste", accuse le ministre délégué au Commerce extérieur Franck Riester, qui a électrisé l'hémicycle en dénonçant le "spectacle désolant de ceux qui mentent" sur les effets du Ceta et "l'indécence" d'une "alliance de circonstance" entre "le rouge, le rose, le vert, le bleu et le bleu marine" des oppositions.

C'est un "bon accord", notamment pour les producteurs de lait, de fromages et les viticulteurs, a affirmé le gouvernement qui n'entend pas soumettre le Ceta aux députés avant fin 2024 ou début 2025, après une mission parlementaire confiée au député macroniste Benoit Mournet et au sénateur de centre droit Daniel Fargeot.

Le report de l'examen du texte est un casus belli pour l'opposition: "c'est rarissime sous la Ve République", gronde le président du groupe communiste André Chassaigne auprès de l'AFP. Dans l'hémicycle, le député a pilonné la "totale opacité" des négociations autour du Ceta, le "colza OGM" ou le "contingent de viande de boeuf" importée. Cet accord est un "hold-up démocratique", a embrayé l'écologiste Marie Pochon.

- "Contournement" -

Le RN Timothée Houssin a dénoncé la "concurrence des fermes usines canadiennes" et le LR Pierre-Henri Dumont un "contournement du Parlement".

Face à eux, c'est notamment le député Renaissance des Français d'Amérique du Nord (Canada, Etats-Unis) Christopher Weissberg qui a défendu l'accord et fustigé, lui aussi, une "tribune" de l'opposition avant les élections européennes.

"Les règles du Ceta sont plus favorables pour nos agriculteurs et nos viticulteurs que les règles du commerce hors accord. Il va falloir expliquer pourquoi on veut sortir d'un accord qui aide nos agriculteurs plus que les Canadiens", plaide-t-il.

Anticipant un procès en obstruction démocratique, le groupe Renaissance a décidé de s'abstenir sur le texte des communistes.

"Un accord bilatéral avec le Canada, c'est bien mieux que la loi de la jungle du commerce de droit commun", a aussi souligné le MoDem Jean-Louis Bourlanges.

Durant la suite de cette journée réservée aux propositions communistes, Pierre Dharréville (Bouches-du-Rhône) va appeler à constitutionnaliser la Sécurité sociale, qu'il considère régulièrement victime d'offensives libérales. Mais son texte avait été rejeté en commission.

Le groupe peut néanmoins viser encore plusieurs victoires. Notamment, s'il parvient à mettre au vote avant la fin des débats à minuit une proposition de loi du secrétaire national du PCF Fabien Roussel pour une meilleure prise en charge des soins liés au cancer du sein.

Le texte, visant à rembourser "l'ensemble des soins", y compris ceux dits "de support" (prothèses capillaires, renouvellement de prothèses mammaires, etc.) a été adopté en commission, mais un amendement Renaissance a toutefois exclu les dépassements d'honoraires. Des députés LFI et socialistes proposeront de les réintégrer.

Avant cela, plusieurs textes concernant les territoires ultramarins pourraient recueillir un vote favorable, comme celui demandant la création d'une commission d'enquête sur l'indécence et le manque d'accès au logement social, porté par Karine Lebon (Réunion).

Un texte de Frédéric Maillot (Réunion) visant à proposer l'apprentissage des langues et cultures régionales dans les écoles maternelles et élémentaires de ces territoires a également été approuvé en commission.

En ouverture, le député de Martinique Marcellin Nadeau a fait voter une résolution pour appeler à ce que les politiques publiques anticipent et concourent davantage à la prévention des risques liés au dérèglement climatique et à la montée des eaux dans les villes côtières.

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