Des panneaux "eau non potable" apposés sur les fontaines et des centaines de packs d'eau livrés aux habitants: dans quatre villages de Meuse où la consommation d'eau du robinet est interdite après la découverte de taux anormaux de polluants éternels (PFAS), l'inquiétude est grande.
"Tout ça entraîne beaucoup d'inquiétude, beaucoup de stress" au sein de la population, observe Manu Delgoffe, cofondateur d'un groupe Facebook dédié à la problématique, qui rassemble plus de 200 riverains. "La population est inquiète parce qu'a priori, cette pollution dure depuis de très nombreuses années."
Les mairies de ces villages du nord meusien, tous situés à proximité d'un cours d'eau, le Loison, doivent fournir en eau potable les 620 habitants qui ne peuvent plus consommer l'eau du robinet.
Une loi sur les polluants éternels promulguée en début d'année prévoit d'inclure désormais les PFAS (pour substances per- et polyfluoroalkylées) dans le contrôle sanitaire des eaux potables.
Or deux prélèvements menés au printemps ont mis en lumière des taux de PFAS très supérieurs à la limite légale de 100 nanogrammes par litre (ng/l) dans l'eau distribuée. Entre cinq et vingt fois plus que la valeur guide européenne, dans les communes meusiennes !
Douze autres communes des Ardennes voisines, comptant 2.800 habitants au total, sont également concernées par l'interdiction de la consommation d'eau du robinet, qui pourrait courir au moins jusqu'au mois de décembre.
- "Une météorite" -
A Villy (Ardennes), les taux de PFAS ont même atteint un record en France, à 2.729 ng/l, soit 27 fois la limite autorisée.
"J'ai été stupéfait de voir une pollution industrielle sur mon secteur, en plein milieu de la nature agricole, en zone très rurale", déclare à l'AFP Eric Saunois, agriculteur à Han-lès-Juvigny, une des communes meusiennes touchées.
Au cours d'une réunion publique qui a réuni plus d'une centaine de personnes dans ce petit village, la question de la durée de l'exposition a été posée mais les autorités n'ont pas su y répondre, indiquant simplement qu'une enquête et des analyses étaient en cours.
Selon les préfectures de la Meuse et des Ardennes, la pollution pourrait être liée à l'épandage, sur des parcelles agricoles situées à proximité des captages d'eau potables, de boues papetières qui pourraient contenir des PFAS.
"C'est une préoccupation, forcément" pour les services de l'Etat, a aussi reconnu le sous-préfet de Verdun, Xavier Pannecoucke. Celui-ci a évoqué une situation de "crise" et annoncé que si des faits illégaux expliquant la pollution étaient découverts, des signalements au procureur de la République seraient effectués par les autorités.
"C'est une météorite" qui est tombée à Han-lès-Juvigny, se désespère Christian Saunois, maire du village de 150 habitants. "On n'est pas préparés à tout ça."
"La situation est un peu catastrophique", acquiesce Dominique Pezet, deuxième adjointe au maire du village voisin de Juvigny-sur-Loison.
Celle-ci explique qu'il a fallu le concours d'associations et du conseil municipal pour permettre la distribution d'eau minérale en bouteille aux habitants.
- "On ne sait pas" -
Sept palettes ont été livrées mardi après-midi par un brasseur local et des commandes ont été passées pour des livraisons dans les prochaines semaines. "C'est de l'or, maintenant", soupire une autre conseillère municipale.
Les habitants rencontrés par l'AFP ont tous exprimé un sentiment d'inquiétude: les PFAS peuvent avoir des effets délétères sur la santé humaine: malformations congénitales, baisse de la fertilité ou cancers rares.
"Ici, on ne sait pas à quel moment les PFAS sont passés dans l'eau, ni comment chacun d'entre vous va réagir" à cela, a répondu aux habitants inquiets la docteure Arielle Brunner, directrice de la Santé publique à l'Agence régionale de santé Grand Est. Aujourd'hui, en France, "on ne connaît pas la valeur à partir de laquelle il y a un impact sur la santé".
En attendant, les maires doivent distribuer à hauteur de deux litres d'eau potable par jour par habitant, ce qui représente un coût d'environ 22.000 euros par an à Han-lès-Juvigny par exemple. "Ce n'était pas budgété du tout", souligne le maire.
Il faudra ensuite trouver "une source ou un forage qui soit capable de fournir 50.000 m3 d'eau par an" aux quatre villages.