Carcassonne: la canicule dans une cité HLM, sans même un ventilateur

Tamponnant la sueur qui perle sur son visage, Wakifati Hamadi, 31 ans, déambule sous le soleil tapant entre les barres d'immeubles de Carcassonne (Aude). Sans même un ventilateur, cette mère de famille et ses quatre enfants peinent à affronter la vague de chaleur qui frappe leur cité HLM.

Face aux 37 degrés qui étouffent la ville, Wakifati Hamadi amène souvent ses enfants de trois à 11 ans "sous les jets d'eau en centre-ville" et envisage même d'"installer une piscine gonflable sur le balcon".

"C'est dur ! Il fait plus chaud qu'à La Réunion", souffle-t-elle, alors que l'air brûlant assèche ses lèvres.

Arrivée il y a trois mois en métropole, cette Réunionnaise vit avec son compagnon boulanger et leurs enfants dans un appartement de cinq pièces, au troisième étage d'une tour d'immeuble du quartier de La Conte, "sans ventilateur, ni climatisation".

Vers 13H00, quand le soleil est au zénith, les rues de La Conte sont vides. Les rideaux de la plupart des commerces sont baissés.

Dans l'un des seuls ouvert, Ayoub Belhaj, 31 ans, est venu chercher la fraîcheur de la climatisation sur sa pause déjeuner, avant de retourner travailler sous le toit en tôle du hangar de son entreprise, où "il fait facilement 49 degrés", explique ce préparateur hydraulique.

-"Inégaux face à la chaleur"-

"On est inégaux face à la chaleur (...) Le pauvre, il sort de l'usine et il va dans son appart où il y a pas la clim", résume le jeune homme.

Dans les cités HLM "il n'y a pas de climatisation (...) pas de moyens", déplore Mohamed Binaoui. Derrière le volant de sa voiture, à l'arrêt au pied d'un immeuble, il pointe du doigt le manque d'entretien à La Conte dont les conséquences sont aggravées par la canicule.

"Les poubelles sont restées pendant une semaine (...) C'était une odeur pestilentielle, insupportable", raconte le cinquantenaire.

Sans ombrage, alors que la chaleur tape sur le bitume, Mohamed Binaoui, comme beaucoup d'habitants du quartier, n'est sorti que pour se rendre à la mosquée. L'appel à la prière est le seul moment où la cité s'anime.

"Les gens ne sortent pas l'après-midi, ils attendent le soir", raconte de son côté Trevor Crégore, gérant du boulodrome de Carcassonne. Torse nu, ventilateur orienté vers le visage, il n'a accueilli aucun bouliste de la journée. Le terrain de pétanque est désert.

"C'est les premières chaleurs, il va falloir s'habituer", dit-il. Pour lui, la température est encore supportable dans son établissement. Il y fait "moins chaud que dans les HLM", affirme-t-il.

-"Moins de végétation"-

Pourtant, la plage n'est qu'à une heure en voiture. Or, s'y rendre "coûte trop cher", regrette Wakifati Hamadi, qui est loin d'être la seule dans cette situation, à La Conte ou dans d'autres quartiers défavorisés de Carcassonne, comme Le Viguier, une autre cité importante de la ville.

Responsable du centre social du Viguier, onzième quartier le plus pauvre de France en 2021, selon l'Insee, Cathy Caceres confirme: "Beaucoup de parents ne peuvent pas amener leurs enfants à la plage. L'essence, se nourrir, prévoir le pique-nique (...) ça fait un sacré coût".

"De plus en plus d'enfants ne partent pas en vacances" par manque de moyens et passent l'été chez eux "sans climatisation", d'autant que, outre l'aspect financier, l'installation d'un appareil nécessite l'autorisation du bailleur, ajoute-t-elle.

En cas de fortes chaleurs, "les populations défavorisées sont plus vulnérables", avec "moins de moyens pour adapter leur logement" et "vont plus difficilement pouvoir quitter la ville lorsqu'il fait trop chaud", résume Quentin Gautier, chef du département Territoire au Cerema (centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement) Occitanie.

L'Aude, tout comme les Pyrénées-Orientales, fait parti des départements les plus pauvres de France et où il fait également le plus chaud.

Dans la plupart des villes moyennes, comme Carcassonne, "les personnes les plus pauvres vivent dans les centres-villes", soit les zones "les plus denses", "avec le moins de végétation", et donc "les plus exposées à la chaleur", détaille M. Gautier.