Soucieux de ne pas reculer face au mouvement de contestation des "gilets jaunes", l'exécutif cherche aussi à reconstruire son crédit écologique, largement amputé par le départ de Nicolas Hulot, à l'approche des européennes où l'écologie s'annonce comme un sujet clé.
Sans surprise, le Premier ministre Edouard Philippe a confirmé mercredi matin l'intention de l'exécutif de poursuivre la hausse des taxes sur le carburant au 1er janvier en dépit des centaines d'actions prévues samedi contre la baisse du pouvoir d'achat.
"On ne va pas annuler la taxe carbone, nous n'allons pas changer de pied, nous n'allons pas renoncer à être à la hauteur de cet enjeu qui est considérable", s'est-il défendu sur RTL, en annonçant un demi-milliard d'euros de mesures d'accompagnement centré sur les foyers modestes.
Conscient de l'impopularité de la mesure dans une partie de l'électorat, notamment dans les campagnes, l'exécutif pense trouver dans cette bataille des carburants un "marqueur" convaincant de son engagement écologique.
"Pendant longtemps, c'est d'ailleurs un peu le reproche que nous a fait Hulot, on ne changeait pas de modèle. Même si c'est dur, c'est la preuve que le gouvernement prend les décisions. Si elles sont impopulaires, c'est qu'elles ont aussi du sens. C'est un marqueur de la volonté de vraiment changer de modèle, même si on fait attention, notamment vis-à-vis des campagnes", fait valoir un proche du Premier ministre.
Rare avantage de l'épisode des "gilets jaunes", "ça nous a resolidifié les écolos de la majorité, qui avaient été déstabilisés par le départ de Hulot", observe un membre du premier cercle d'Emmanuel Macron. "On ne peut pas avoir des marches pour le climat d'un côté et des marches pour l'essence de l'autre. On fait le choix qu'on préfère les marches pour le climat".
Placés sous le signe du "Make Our Planet Great Again" par le chef de l'Etat, le début du quinquennat s'était révélé pauvre en avancées écologiques majeures. Et le départ fracassant de Nicolas Hulot, caution écologique de l'exécutif, avait encore fragilisé le bilan.
Un problème quand les militants de La République en Marche sont souvent très attachés à l'écologie, soulignent des responsables de la majorité. "On a un sujet là-dessus dans notre base", reconnaît un cadre de LREM.
- L'avenir du nucléaire -
Un problème aussi à l'approche d'élections européennes, où le mouvement présidentiel s'inquiète d'un exode des électeurs d'Emmanuel Macron au premier tour de la présidentielle vers des listes jugées plus vertes aux élections européennes, comme celle de l'EELV Yannick Jadot, ou une possible liste menée par Ségolène Royal. D'autant que le scrutin est traditionnellement favorable aux écologistes, qui sont pro-européens.
"L'analyse que tout le monde partage, des écolos à Ségolène Royal en passant par LREM, c'est qu'il y a un espace écologiste dans les élections européennes. C'est un vote refuge, tout le monde se dit, il y a un gâteau à couper", résume un proche du président Macron.
La loi préparée par la secrétaire d'Etat Brune Poirson sur la réduction et le recyclage des plastiques a ainsi été programmée pour le mois de mai, à quelques jours du vote européen.
Une campagne choc de communication, qui reprend les codes des campagnes anti-tabac sur le thème "La pollution nuit gravement", a été opportunément lancée lundi soir par le Service d'information du gouvernement (SIG), l'organe de communication gouvernemental.
Mais l'exécutif devra encore convaincre sur d'autres gros dossiers à venir de son engagement écologique, notamment sur celui de la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE), qui doit être présentée d'ici à la fin de l'année.
Sujet irritant par excellence dans le débat énergétique français, et lourd enjeu économique, l'avenir du nucléaire tricolore risque de faire contre-coup à la stratégie verte de l'exécutif.
Mercredi matin, Edouard Philippe a dévoilé un des premiers objectifs de cette PPE: une disparition d'ici à dix ans des chaudières individuelles au fioul domestique (en pratique, du gazole comme dans les moteurs diesel), un défi qui concerne près de quatre millions de foyers.
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